Les fêlures sont profondes. Douloureuses. Son passé qui s'est éclairé y'a d'ça trois jours. Il transpire de colère parce que cette foutue passion finira par le détruire. Ca a toujours été ça le problème, il l'a aimé trop fort, lui qui pensait ne pas pouvoir se passer d'elle. Il a réussi pendant quinze ans à respirer sans elle. Alors il peut non ? Il peut vivre sans elle. Ce qui est certain, c'est qu'ils ne peuvent pas continuer comme ça, à s'détruire en jouant avec le feu. Trois jours que ça l'turlupine. Trois jours qu'il dort plus et ça se lit sur ses traits. A l'époque, il aurait du essayer. Il aurait du l'obliger à avoir cette discussion y'a quinze ans et peut être qu'ils n'auraient pas tout gâcher. Maintenant c'est trop tard. Et s'il sait qu'elle est la seule qui peut le rendre véritablement heureux, le combler. Il sait aussi qu'il doit l'oublier. Parce que quand il s'repasse le film, il réalise qu'il ne fait que s'accrocher au passé. Et il toque à sa porte à Ava. Parce qu'ils ne peuvent pas en rester sur les dernières paroles prononcés. Salut. un sourire timide qui s'dessine. t'inquiète, j'vais pas te sauter dessus. Il se gratte la tête et continu : et j'vais pas non plus essayer de te convaincre que j'ai rien fait. J'crois qu'ça a plus tellement d'importance maintenant. Après tout, le simple fait que tu ais douté qu'je puisse être infidèle m'a fait comprendre que c'est peut être mieux comme ça... Il joue avec ses mains, ne sachant pas trop quoi en faire durant cet adieu. Parce que s'en est un. Et tandis que la bouche d'Ava s'entrouvre, il lui coupe l'herbe sous le pied. laisse moi finir s'il te plait. Parce que sinon j'y arriverais pas. J'voulais pas m'battre non plus, c'est vrai, on est presque ridicule non ? mais juste te remercier pour les années qu'on a passé ensemble. Si je regarde bien, c'est les plus heureuses que j'ai vécu. Parce qu'il y a eu des bons moments non ? finit il par demander. Et simplement, il dit adieu à toutes ses questions pour la laisser partir. Parce que c'est la meilleure chose à faire. Parce qu'ils peuvent pas continuer comme ça ces deux là. Et il lève son regard pour percer le sien. Pour qu'elle réalise à quel point il est sérieux ce soir. Oui, c'est mieux comme ça.

@Daniel Porter

Trois jours sont passés depuis qu'ils se sont vus à cette boulangerie, que la vérité s'est écoulée de ses lèvres, et que la sienne a cherché à s'insinuer en elle. Elle n'a pas abordé le sujet avec Caroline, ne sachant pas comment l'aborder non plus. Peut-être qu'il lui suffirait de lui souffler qu'elle en a parlé à Dany pour avoir l'ombre d'une réaction. Ou peut-être... Mais à quoi bon quand on y songe ? Le temps est passé. La décision a été prise il y a quinze ans. Souffle capricieux d'un destin déjà écrit. Après tout, il n'avait pas tenté... C'est peut-être ce qui a fini par la convaincre réellement qu'elle n'avait pas tout jeté aux orties pour... quoi ? Une douleur pugnace qui a su trouver de quoi se nourrir dans des fêlures bien plus anciennes.

Cela ne fait pas si longtemps qu'elle est rentrée ce soir-là, à se concentrer sur le travail pour éviter de trop réfléchir. A aller courir avec Duke. A sourire en s'accrochant à la simplicité de son existence, à ces rencontres opportunes destinées à lui montrer que la vie pouvait être terriblement plus simple et moins douloureuse. Elle est encore en tenue lorsqu'elle ouvre la porte, son chien est dans la cuisine, à boire l'eau fraîche de sa gamelle. Chevelure à peine libérée, elle l'observe, lui, dont elle appréhendait la prochaine rencontre. Lèvres closes, regard qui s'appose sur le sien, qui devine ce sourire timide qu'il ébauche. Et puis ces mots qu'il dévoile tandis qu'elle croise les bras et s'adosse au chambranle. Clairement peu désireuse de le laisser entrer.

Pas de plaidoyer, pas de dérives suppliantes, mais juste le fait qu'il ait réfléchi, pensé qu'il était mieux que le mariage ne se soit pas fait si elle avait pu douter de lui. Elle humecte ses lèvres, menace de les ouvrir sans même savoir ce qu'elle dirait. Mais il l'interrompt, veut finir. Finit par vouloir la remercier pour les années passées ensemble... Sérieusement ? C'est... Elle ferme les yeux une seconde, se mordille la lèvre, finit par se mordre la joue. Douleur familière qui la rattache au présent. « Tu t'en vas ? » C'est ce qu'elle pense sur l'instant. Qu'il s'en va, et qu'il est venu lui dire... adieu. Elle n'imagine pas que la démarche, c'est pour dire adieu oui, mais juste à leur histoire. Et elle ne répond pas à ses questions, parce qu'il a été son grand amour, et qu'aucun n'a pu supporter la comparaison, même avec une supposée tromperie. Trahison difficile. Bien sûr qu'ils ont eu des bons moments. Bien sûr... qu'elle n'aurait pas l'impression d'en crever, que les larmes ne remonteraient pas si facilement quand ça les concerne, s'il n'y avait pas l'inavouable qui tambourine sous sa poitrine.

Elle a juste laissé tombé y'a quinze ans. Lui aussi dans un sens. Il aurait du s'battre plus fort. Un mensonge avait suffit à rompre une union de trois années, sans doutes plus quand on se penche un peu sur la question parce qu'il a été amoureux d'elle à l'instant même où leurs regards se sont croisés. A l'heure où il était encore avec Caroline d'ailleurs. Et son intervention d'aujourd'hui ne doit pas avoir trop de sens pour lui mais la vérité, c'est que la démarche est égoïste. Il a besoin d'ce foutu point final pour avancer dans son existence sans elle ou en tout cas sans ce fantôme de leurs relation qui trône au dessus de sa tête. Et elle demande s'il s'en va. Lui qui n'a pour le moment pas vraiment d'réponses à cette question. Si c'est nécessaire, il le fera oui mais il doit avouer qu'en dehors des engueulades, il a passé de bons moments ici ces dernières semaines. Il s'est rendu compte que Emma et sa nièce lui manquaient. Son amitié avec Jackson aussi dans l'fond. Et peut être que si le temps guéri les plaies, il pourra rester. Peut être même qu'il pourraient être amis. En tout cas, à cet instant, Daniel est assez naïf pour le croire. J'en sais rien. Pas avant le mariage en tout cas. Après j'en sais rien. il hausse les épaules, une réponse trop floue. Comme son esprit embué par le chagrin. Faut juste qu'on arrête. Je sais que t'es passé à autre chose mais j'crois qu'une part de moi t'aime encore et... Il hésite. Putain, c'est un amour cruel qu'ils partagent. Si beau à l'époque mais avec un goût amère aujourd'hui. Il baisse la tête et prononce les mots qui signe la fin. La fin pour lui en tout cas : J'veux tourner la page. Je dois tourner la page. Un soupire. Un silence lourd. Pesant. Mais nécessaire pour digérer tout ça sans doutes. Ce qu'il lui demande en fait, c'est d'le laisser partir. Ne pas s'accrocher, le laisser la quitter. Parce qu'il aura trop donné et il y a laissé trop d'plumes. Elle l'a rendu totalement fou et a sans doutes perdu une part d'sa confiance et de son innocence dans l'affaire. Il ne reste maintenant plus qu'à espérer que l'amertume laissera place à de la nouveauté et qu'il laissera son cœur voguer vers d'autres femmes.

@Daniel Porter

Elle ne veut pas vraiment réfléchir à ce qu'elle ressent. Parce que la page, elle s'imagine l'avoir tournée, et ne plus vouloir s'acharner à la rouvrir. Pas plus que de pousser la discussion inévitable qu'il faudra voir se produire, tôt ou tard avec Caroline. Tout ce qu'elle entend dans ces mots, c'est un adieu, un départ, et pourtant, sa réponse n'est pas celle à laquelle elle s'attendait. Souffle naturel qui se farde d'un presque soulagement à peine entamé par l'envie de ne plus le revoir. Elle fronce les sourcils quand il dit qu'ils doivent juste s'arrêter. Elle ne comprend pas, les attend ces explications, cet aveu de son amour en demi-teinte. Puis il termine, conclut qu'il veut tourner cette page qu'elle-même a poussé de ses doigts fébriles, de ses larmes entachant le texte illisible. Mais elle ne comprend toujours pas... s'il veut lui dire adieu, qu'est-ce... « Qu'est-ce que tu attends de moi exactement ? » qu'elle souffle, du bout des lèvres, sans chercher à le faire entrer à l'intérieur, ou à refermer cette maudite porte. Elle a le cœur qui saigne, indicible blessure qu'elle n'avouera pas, qu'elle ne saisit pas. « C'est toi qui reviens, Dany. C'était pas moi l'autre nuit. C'était pas moi dans les toilettes. C'était... » Ne t'accroche pas si fort... Un peu si, dans ses mots, ses réactions, ses propos qui attisent, qui attaquent, qui blessent. Mais elle n'y peut rien s'il fait renaître un feu incandescent et dévorant, une colère pugnace qui s'acharne, et la pousse encore à préciser : « J'ai quelqu'un. » Ah oui, Ava ? T'as déjà quelqu'un ? Et c'est sérieux ton mensonge ? Que son esprit se moque silencieusement. Parce que des flirts... ce n'est pas avoir quelqu'un. Pas encore du moins.

Une épreuve cette histoire. Et ça devrait pas être ça l'amour si ? Ca devrait pas foutre en l'air. Daniel est fatigué de se battre, fatigué d'attendre. Sans doutes qu'il l'aimait trop pour le faire correctement et c'est là que c'est parti en vrille. Et ce soir, il prend un masque, celui du gars qui est certain de vouloir terminer les choses parce que Daniel est persuadé que c'est seulement ainsi qu'il parviendra à être heureux. S'il laisse la peine s'emparer de lui, il ne remontera pas la pente, il s'enfoncera dans un tunnel d'amertume et de tristesse pour ne jamais en ressortir. J'attend que tu m'laisses partir. Il dit rien. Il dit juste adieu et merci. Parce que dans leurs histoires, tout n'est pas à jeter bien au contraire. Ils ont été heureux ensemble. Et elle a raison quand elle lui dit que c'est toujours lui qui cherche. C'est lui qui r'vient à la charge. Et cette situation ne peut plus durer. Il ne peut pas lui demander de finir cette histoire s'il est sans cesse en train d'y revenir. t'as raison mais je vais t'laisser vivre ta vie. Comme elle l'entend. Sans lui. Parce qu'il est clair et net qu'ils ne peuvent pas être amis. Lui qui a trop longtemps pensé qu'ils étaient fait l'un pour l'autre. Lui qui l'a mise sur un piédestal toutes ses années, pensant qu'aucune autre fille ne lui arriverait à la cheville. Et là, elle prononce les mots qu'il redoutait mais qui ne surprennent pas vraiment. j'ai quelqu'un. Il lève son regard vers elle, comme pour y voir une lueur mensongère dans les yeux mais il doit se rendre à l'évidence et la laisser partir. C'est mieux pour eux. Il secoue la tête et dit, presque dans un murmure : sois heureuse. Et il se tourne pour filer. Il la laisse. Parce que rester ne mènerait à rien de bon. Parce qu'il a déjà tout pleuré lui. Il ne lui reste plus rien.

@Daniel Porter

Pas un souffle. Pas un mot. Juste une fin. C'est le glas d'une histoire. La leur. Elle ne devrait pas avoir l'impression que tout ceci lui brisait le cœur une nouvelle fois. Parce que c'était terminé. A vrai dire, peut-être que ça lui aurait fait du mal de savoir qu'il avait refait sa vie. Ce n'était pas le cas. Pas encore... souffle une petite voix au fond de son esprit. Celle qui se fait incisive et venimeuse. Alors c'est elle qui avance qu'elle n'est plus seule. Elle le souffle comme une vérité. Celle qui le pousse à venir croiser ses prunelles. Est-ce qu'il sait lire en elle qu'elle ne fait que mentir, qu'elle murmure l'écho d'une mascarade, parce qu'elle ne fait que flirter depuis qu'il est là, comme une ombre sournoise. Quelques mots dans un souffle... Elle vient de l'aider à tourner la page, à l'oublier, à finir leur histoire. Et elle a l'impression de manquer d'air. Elle le regarde s'éloigner, avant de sentir la tête de Duke contre sa cuisse. Alors seulement, elle se détache du chambranle et referme la porte sur celui... celui.