Ça fait quelques jours que t'es déprimé, t'es seul à la maison et c'est assez difficile. Ton seul échappatoire c'est ta moto, là ou tu te sens libre de tes pensées. T'es bien installé sur ta bécane, un pied sur le sol, main droite sur le guidon, main gauche bien reposée sur ta cuisse. T'étais seul au feu rouge, la route était déserte. Tu regardais devant toi, un peu distrait, lorsque tu remarquais une moto venir s'installer à ta hauteur. Tu tournais la tête, tu regardais ce mec derrière ta visière, veste de cuir avec un logo dans le dos, rares étaient les motards en ville et à ce que tu saches il n'y avait pas de gang, était-il de passage? Tu lui faisais un signe de la tête ainsi que de la main alors qu'il te répondait par un rugissement de moteur. Ah il voulait courser c'est ça? Après-tout? Il n'y avait personne sur la route. Tu répondais avec deux rugissements.

J’ai du mal à gérer mes émotions. Mes angoisses. Ces derniers temps. J’ai l’cœur à l’envers depuis que j’ai fait ce gâteau pour une petite fille qui fêtera son quatrième anniversaire. Elle m’a dit merci. Ses yeux pétillaient d’plaisir. J’ai l’cœur qui pleure merde. J’ai eu envie d’me cacher dans les toilettes et pleurer toutes les larmes de mon corps. Parce que j’pourrais être mère à l’heure qu’il est. J’pourrais élever la fille d’Alexander. Sauf que j’ai choisi d’avorter. Et jm’en veux. Fuck. Alors j’fais des conneries. Pour oublier. T’es la première moto que j’croise depuis un moment. Mon moteur vrombit. Mes veines se réchauffent par l’adrénaline. Ta moto répond à la mienne. Un sourire malicieux vient fendre mon visage. J’hoche la tête. Une course. Amen. J’continue à faire rugir ma moto. J’replace mon attention sur la route. La lumière tombe verte. J’décolle. Pour être franche j’sais même pas où ça va nous mener. Où la course finit. Mais jm’en fiche. J’me sens vivante.

Les deux mains parées à conduire, les yeux braquées sur le feu rouge. T'as un moment de doute, tu te demande bien pourquoi tu as répondu à cette invitation, ce n'est pas ton genre Dov, tu as bien trop peur de renverser un enfant qui traverse la rue. Tu pouvais toujours ne pas courser pas vrai? Pourtant, même si tu n'en a plus envie, t'as comme une poussée d'adrénaline Dov, quelque chose que tu n'avais pas ressenti depuis un bon moment. Le feu tourne au vert et tu fonces, tu files à vive allure, le motard à tes cotés, tu y risque un coup d'oeil, change de vitesses en appuyant sur la pédale, vous irez jusqu'ou?

Je fonce. J’accélère de plus belle alors que tu me dépasses de peu. Montre moi ce que t’as dans le ventre. J’aurais envie de hurler. J’adore ça. Ce moment où il ne reste plus que la route et soi-même. Une voiture dans mon chemin, j’me dois de ralentir pour changer de voie et la repasser. Le chauffeur klaxonne mais j’en ai rien à foutre. Je te regarde rapidement avant d’accélérer. T’es plutôt coriace. J’aime ça.  

Une voiture dans la voie de gauche, une chance que tu es sur la droite, t'as l'avantage alors que le coureur doit ralentir. Mais cette voiture te fait douter, toi aussi tu ralenti parce que ça te fait réaliser que vous n'êtes pas seuls sur la route, il y a d'autres gens mais... Il te dépasse et tu ne peux t'empêcher d'accélérer, t'avais besoin de t'échapper. T'essaie de le rattraper, tu le talonnes le temps de trouver l'opportunité de le dépasser.

J'ris dans mon full face. Merde. Ça fait du bien. J'pense plus à rien. Y a que la route et moi. Que toi et moi. Nos motos qui vrombissent. L'adrénaline. La prochaine lumière arrive avant que j'aie l'temps d'y réfléchir. Elle est rouge. Fuck. J'retiens mon souffle. T'arrives à ma hauteur et, par chance, la lumière tombe verte alors que j'commençais à ralentir pour éviter un carnage. Le coeur qui bat la chamade. Les cuisses qui tremblent. Alexander. Une lumière rouge. J'ai des flashback de l'accident et j'te laisse prendre l'avantage. Tu gagnes. J'te suis tout de même pour voir qui se cache sous le casque.

Tu roules à toute vitesse, le feu est rouge tu ralentis quelques secondes avant de le dépasser, filer à toute allure, tu risque un coup d'oeil derrière toi, il faut bien croire que tu as gagné. Toute bonne course se finit au bar, par habitude. Et puis tu es curieux du motard. Tu prends un virage sur ta droite, la route qui menait vers le bar. Dans ton miroir tu remarque qu'il te suit toujours. Tu entre dans le stationnement du bar et arrête ta machine en posant pied sur le sol tout en retirant ton casque en passant une main dans tes cheveux.