Attablé à l'intérieur du Coffee House, Cal n'arrête pas de jeter des coups d'oeil à l'écran de son portable, posé à côté des deux tasses fumantes de chocolat chaud. Il a déjà envoyé plein de textos à sa mère et n'a jusqu'alors pas eut de réponse. Il s'en veut. Tellement qu'il en a mal au ventre. Peut-être qu'une partie de lui est soulagée toutefois. Soulagée que la vérité soit sortie. Mais si le soulagement a élu domicile en lui, il est pour l'instant intégralement étouffé par un mélange persistant d'inquiétude et de remords. Il veut que l'écran s'illumine, annonçant un message de sa mère. Il veut lire qu'elle comprend et qu'elle lui pardonne. Que tout va bien se passer. Il veut être rassuré, comme le petit garçon qu'il n'est plus. Et c'est pathétique tout ça, car il n'a pas le luxe de se briser en mille morceaux. Sa mère a besoin de lui non pas l'inverse. Il ne peut compter que sur lui-même, ou presque. C'est pour ça qu'il a textoté Holly. Car il a besoin d'une présence, d'une épaule. Il a besoin d'elle. Lâchant un peu son portable, il enroule ses deux mains autour du chocolat chaud qu'il n'a pas encore touché tout en guettant à présent des yeux l'entrée du commerce.

@Holly Hansen

La journée était douce chez les Hansen, comme souvent, tu passais les jours qui entouraient Noël avec ta mère et cette après-midi, elle s'était attelé à la confection d'une maison en pain d'épice. Oui, Noël était passé mais dans ta famille, vous n'avez jamais trop respecté les dates qui s'adaptaient plus aux disponibilités de ta mère qu'au calendrier. Il ne t'avait fallu que quelques minutes pour enfiler ta veste et rejoindre le café dont tu connaissais l'adresse par coeur. Quelques secondes pour expliquer à ta mère que Cal avait besoin de toi. Tu n'avais pas eu besoin de lui donner plus de détails, elle vous connait depuis toujours, elle connait ce lien si fort entre vous. Alors elle ne te retient pas. Et quand tu arrives au café, il est déjà là. Et tu réalises. Même si tu devinais l'état dans lequel il devait être, le voir ainsi te brisait le coeur alors tu ne tardait pas à pousser la porte pour te diriger directement vers lui et le prendre dans tes bras avant de t'asseoir délicatement en face de lui.  Tu dis rien durant quelques secondes avant de lui poser une simple question dont la réponse était libre. « Tu veux qu'on en parle ? » Oui, parce que si il le souhaite, vous pouvez simplement resté là, sans rien dire. Juste être là, ensemble.

Le noeud dans sa poitrine se desserre légèrement quand Holly passe la porte. Sa vue le réconforte un peu, sentiment toutefois amoindri par tout le reste. Il voit l'expression de son amie s'altérer quand elle rencontre la sienne et son chagrin s'en retrouve rapidement reflété. Il se lève pour l'accueillir et la laisse faire lorsqu'elle noue ses bras autour de lui dans une étreinte. Il la garde contre un petit moment avant de la laisser filer. Lorsqu'elle prend place en face de lui, il se rassoie et sans un mot pousse légèrement le chocolat avec supplément de guimauve dans sa direction. Elle l'interroge, ne tourne pas autour du pot, mais ne fait pas mine de le mettre au pied du mur non plus. Elle est disposée à parler, ou bien à se taire. D'un regard, il l'en remercie. Il descend une petite gorgée de sa boisson chaude avant de se résoudre à desserrer les lèvres. « Je ne sais pas ce qui m'a pris.. » L'alcool a joué un rôle, déliant vivement sa langue. « J'avais besoin qu'elle sache, mais pas de cette façon. » Non pas qu'il y ait de bonne façon d'apprendre que votre mari vous trompe ou que votre fils est au courant et qu'il vous ment depuis une dizaine d'années.

@Holly Hansen

La réalité, c'est que tu ne sais pas vraiment ce que ton ami ressent. Dans ta vie, il n'y a toujours eu que ta mère. Enfin non, ton père était là mais tu avais trois ans la dernière fois que tu l'avais vu alors sauf quelques photos, tu ne savais rien de lui, de ta vie avec lui. Tu ne sais rien de ce qu'est une vie "normale" mais tu te souviens de Cal quand il a su la vérité, tu te souviens des moments où ce secret le rongeait de l'intérieur et les centaines de scénarios élaborés pour dire la vérité à sa mère. Mais c'était une vérité qui blesse, qui brise, une vérité qui se tait.. Tu ne savais pas si il avait envie d'en parler ou si il ne voulait simplement pas broyer du noir tout seul. Si il le voulait, tu pouvais rester des heures dans ce café, sans dire un mot, sans faire un geste, juste être là. « Ca fait longtemps que ce secret te tortures, tu as imaginés des tonnes de scénarios et tu es toujours arrivé au même résultat : il n'y avait pas de bonne façon de lui dire. » Tu lui souriais, tu te voulais rassurante mais est-ce que tu l'étais vraiment ? Au fond, tu n'étais pas toujours la fille la plus diplomate du coin. « Mais ne culpabilise pas, les choses ne vont peut-être pas être facile mais tout cela n'est pas de ta faute. »