Il faut qu'il parte. La phrase passe en boucle dans sa tête. Tellement que son cerveau n'ordonne pourtant pas à son corps de le faire. Il regarde sa main, comme s'il va trouver une trace de brûlure sur sa paume. Il n'y a rien. Il serre son poing. La brûlure est encore vive. Il évite de regarder dans la direction du grand brun qui s'affaire en cuisine sans savoir ce qui se trame dans la tête de son invité du petit déjeuner. Il faut qu'il parte. Il se le répète une nouvelle fois. Quand il lui propose un café, il relève ses prunelles vers lui, croise son regard. Et là, le besoin de se tirer prend le dessus. Non merci. Je ferais mieux d'y aller en fait. Déjà il se lève, sans fournir davantage d'explications. Déjà, il traverse la pièce pour aller récupérer sa veste sans s'occuper de ce que Duncan fait dans son dos. Il faut qu'il parte. Il y a urgence.

Je termine de remplir ma tasse et reporte mon attention sur toi, prêt à t'en sortir une si la réponse est positive. Sauf qu'elle ne l'est pas, pire, tu te lèves pour partir. Mais? The hell? Tu disparais dans le salon, mais tu dois repasser par la cuisine si tu veux sortir d'ici. Dude, your eggs are cooking. Sit down, there's no fire anywhere. Enfin, sauf celui que tu ressens, mais ça, j'le sais pas moi. Tu m'laisses pas indifférent, on va pas s'le cacher, mais t'es le plan cul d'Nessa alors.. ça s'arrête là, non?

Il traverse en direction du salon TV. Sans s'arrêter, il récupère sa veste qu'il enfile au passage. Et alors qu'il reprend la direction de la sortie, il entre une nouvelle fois dans son champ de vision. Il persiste, signe, l'invite à s'asseoir. Non, mauvaise idée. Cette cuisine, c'est devenu pire qu'un terrain miné en zone de guerre. Et il sait de quoi il parle pour en avoir vu plusieurs. Désolé. Il ne sait même pas s'il est désolé ou non. Au pire, j'prends à emporter. Comme s'il se trouve dans un fastfood. Sa politesse est limite, son comportement a déjà débordé et franchit une ligne. Le pire, c'est qu'il le sait et qu'il s'engouffre lui-même dans cette voie. Puis j'ai pas envie de croiser ta frangine, c'est même pas un bon coup. Dommage qu'il ne se nomme pas Pinocchio son nez s'allongerait. Car Vanessa est un bon coup en réalité. Qu'il le prenne pour un fou, un dérangé, qu'il le mette à la porte, le frappe, tout lui ira.

Tu t'excuses, tu sembles soudainement bien pressé de foutre le camp d'ici. J'comprends pas trop pourquoi d'ailleurs? Take out? Do I like like a fucking food truck to you? C'est quoi ce bordel. Ça m'apprendra à offrir le p'tit déjeuner aux plans cul d'ma soeur tient. DUDE? She's still my sister. Je lève les bras en signe de découragement. Also, I'm pretty sure that's not even true. Que je marmonne en secouant la tête et roulant les yeux.

Non, bien sûr que non, ce lieu n'est pas un food truck. Cette maison n'est pas sur roues, ou alors il faut être défoncé pour imaginer une telle chose. Il lui lance un regard l'air de dire qu'il est con ou quoi. Mais si ça ne suffit pas pour le laisser filer, il tape ailleurs. Non en touche, comme on pourrait le croire, mais directement en pleine lucarne. Car les liens familiaux... Non il ne sait pas de quoi il parle, il est fils unique. ça tu ne le sauras jamais à moins de... Pas besoin d'aller plus loin. Le sous entendu est là. Bien cru. Mais il l'a cherché. Et qu'est-ce qu'il a à le retenir.. ...à croire que tu veux baiser aussi. Si le début de ses propos reste bien en pensées, le reste sort, quasi naturellement en grommellement. Comme son ventre qui émet un gargouillement pile à cet instant. Gêne ? Même pas.

Oh come on! Les mots sortent avant même que j'puisse penser à les retenir. T'es complètement taré toi en fait ou bien? Je grimace et retire tes oeufs du feu avant de les brûler, faisant de même avec le bacon alors que tu soulignes ...à croire que tu veux baiser aussi. J'm'étouffe avec ma salive et me retourne lentement pour te regarder. Are you offering? Ferme la Duncan. Je ferme le feu et traverse l'espace qui nous sépare pour venir face à toi. J'te pensais plus grand tient. J'te regarde de haut, le visage baissé vers toi, je plisse un peu les yeux. Since you're so unsatisfied and hungry.

Une proposition ? Sérieusement mec. Il y a de quoi rire. Il en rit même, comme Simba qui se rit du danger devant Zazu. Ce gars débloque. Il a fantasmé sur lui quelques semaines, l'a oublié, le revoit et il croit qu'il va fantasmer de nouveau sur lui. Bien sûr que non il ne le croit pas vu que ces pensées restent pour lui et qu'il n'est au courant de rien. Et le temps qu'il fasse ce constat dans son cerveau, voilà qu'il se retrouve face à lui, près. Peut-être un peu de trop. Il le voyait plus grand de loin. Là, il le dépasse de six ou sept centimètres, tout au plus. Il ne détourne pas le regard. Plutôt crever pour le coup. Sa main droite se referme lentement. Essaie seulement. Cette fois, il ne rit pas. Son ton n'est pas vraiment provocateur, mais plutôt menaçant. A l'intérieur c'est plus compliqué. Il se demande si ce sont des paroles en l'air ou si ce mec est vraiment gay ou bi. Et ça lui fout la rage, davantage.

Qu'est-ce que je fou exactement? Très bonne question. Malheureusement pour toi, j'suis un gosse quand il est question de défi, de bagarre et de provocation. J'deviens impulsif et j'réfléchis plus trop. Ça ses bons et ses mauvais côtés vous m'direz moi qui m'assume que partiellement mon attirance pour la gente masculine. Sauf qu'on est chez moi ici, mon territoire parfaitement intime et que, en dehors de ma soeur déjà au courant, personne ne peut tomber sur nous. So you are offering. Mon regard alterne rapidement entre tes opales et tes lippes, les miennes s'abattant sans crier gare sur les tiennes un peu trop pincées.

Ce mec débloque. Il réfute mentalement ce qu'il sous entend qu'il fait. Il veut juste se casser tranquillement. Qu'il lui foute la paix et le laisse faire plutôt que de le retenir comme s'il allait verser toutes les larmes de son corps à son refus de prendre un p'tit déj avec lui. Sérieux. Qu'il grandisse. C'est valable pour lui également mais quand il est dans cet état mental, rien ne le touche. Peut-être à la limite Wade car lui ne se fait jamais avoir et le fait redescendre sur terre. Ils sont là à se jauger comme deux chiens prêts à se battre. Sauf que... Ce n'est pas un coup qui part. Putain de bordel de merde. Première réaction mentale. Ses lèvres qui se desserrent légèrement, comme pour répondre à ce baiser brutal. Seconde réaction, physique cette fois. Il va le tuer. Troisième pensée, de nouveau mentale. Tout va vite, cela ne dure qu'une poignée de secondes avant qu'il le repousse de sa main gauche, sans ménagement. Et il ne faut qu'une fraction de secondes avant que son poing droit ne parte, visant sa belle gueule. A cause d'une rage contre Duncan, mais surtout contre lui-même. Car un fantasme est toujours moins dérangeant que la réalité. Et sa réalité, c'est qu'il n'assume pas d'avoir crevé d'envie de répondre à ce baiser.

Pendant une fraction de seconde, je sens tes lèvres qui s'entrouvrent pour répondre au baiser, mais c'est effectivement de très courte durée avant que tu ne te raidisse complètement et m'envoie ton poing sur la gueule. Je fais un pas derrière et lâche un rire amusé en me massant la mâchoire. You thought I wouldn't go through with it uh? Comme si j'en avais pas déjà assez fait, j'me met à te narguer. Tu sais la fermer parfois MacKay?

Le coup parti, il se frotte un peu la main. Il ne se sent pas mieux mais au moins cela a contribué à l'aider à se défouler un peu. Il espère que c'est le démarrage d'une bagarre en bonne et due forme. Ce n'est pas le cas. Il rit en le regardant. Il le nargue même. Son poing se ferme de nouveau. D'une telle force que sa main tremble légèrement. Ses prunelles sombres se fixent sur le tatoué. La seule seconde qu'il détourne son regard du sien, c'est pour fixer ses lèvres avant de revenir à ses prunelles. Il est vraiment à deux doigts de lui en recoller une. A deux doigts même d'en rajouter une couche en répliquant. Il faut croire que son instinct de survie se réveille enfin car il n'en fait rien. Il se contente de hausser légèrement les épaules. Son poing se desserre un peu. Il le fixe encore un instant, puis il tourne les talons, se dirigeant vers la porte d'entrée. Sans un mot, lui qui n'arrivait pas à la fermer jusqu'à présent.

T'es frustré, pas besoin d'un diplome pour le comprendre. J'le vois bien que tu serres encore les poings et cette fois je me prépare même à éviter ou riposter selon la situation, sauf que tu te calmes enfin, tournes les talons en silence. J'esquisse un petite moue. So you don't want the eggs to go? Je reste là au beau milieu de la cuisine, passant la langue sur ma lèvre et me remémorant la saveur élusive des tiennes.

Il s'arrête sans se retourner. Ce mec... Il se prend un coup et il lui parle encore de ses œufs brouillés. Il laisse échapper un soupir. Va te faire voir avec tes œufs. Il parle plutôt lentement, articulant même bien pour s'assurer qu'il le comprenne. On ne sait jamais, qu'il soit vraiment idiot en plus d'être beau. Cette fois, il tourne la poignée de la porte d'entrée. A peine l'ouvre-t-il que l'air frais lui fait un bien fou sur le visage. Il est limite de songer à rentrer chez lui à pied ou en faisant du stop. Mais cela voudrait dire laisser son pick up ici et revenir le chercher. Et il n'est guère emballé par la perspective de croiser une nouvelle fois Duncan.

Je ris pour moi même en secouant la tête et retourne à ma bouffe qui va être froide maintenant. J'te remercie pas tient. Non seulement tu m'fais cuisiner pour rien, tu me frappes, insulte ma soeur et te barre sans demander ton reste. T'es peut-être le genre brun ténébreux plein de mystère aux lèvres plus douces qu'elles en ont l'air, mais t'es aussi le portrait classique du connard jamais satisfait.