Ton arrivée à Edenton ne s'est pas passée comme tu l'aurais voulu, mais c'est la beauté des voyages non ? Les imprévus et les emmerdes, c'est censé rendre tout ça plus beau pas vrai ? C'est ce que t'essaies de te faire croire depuis que t'es là, et franchement, ça ne fonctionnes pas du tout... Premièrement, il y a eu la crevaison alors que t'étais à seulement quelques kilomètres de l'entrée de la ville, puis l'alternateur de ta voiture qui te lâches peu de temps après. Pour tourner le couteau dans la plaie, il y a eu cette facture de réparations qui s'est pointée, et depuis, tu galères à trouver les sous et des endroits où passer tes nuits. T'as envie de rentrer à la maison, retrouver ton lit douillet et affronter le ''je te l'avais dis'' de ta mère, mais tu refuses de baisser les bras pour l'instant. Ce serait trop flatté son ego dans le bon sens du poil de lui donner raison, et puis, t'en es pas à ta première épreuve alors ça iras... N'est-ce pas ? Tu te poses sérieusement la question alors que tes yeux parcourent les lignes de ce livre que tu ne lis pas vraiment. La fatigue pèse sur tes paupières, tu sens ta tête commencer à piquer des clous alors que tu luttes pour les garder ouverts. T'es seule au fond de la bibliothèque sur un fauteuil plutôt confortable, ton téléphone sur tes jambes et un livre en main. Plus les mots s'estompent devant tes yeux, plus t'as l'impression de sentir ton corps s'assoupir. Les paupières fermés, t'abandonnes la bataille, en vain... Tu laisses la fatigue prendre le dessus, tes jambes s'allongent, et tes pensées s'arrêtent le temps d'un petit instant.

Visite hebdomadaire à la bibliothèque en fin de journée. Échec cuisant cette semaine, il ne trouve rien qui attire son regard au point de l'emprunter. Le choix est pourtant présent, les genres également. Il ne se décide juste pas. Religion. Roman. Pièce de théâtre. Tous les genres littéraires y passent et aucun ne ressort. Au point qu'au bout d'un moment, il arrête de chercher cette lumière qui s'éclairera dans son regard quand il trouvera son bonheur et il prend dans ses bras ce qui passe sous son nez. Dans une allée, c'est une bande dessinée. Dans une autre, c'est une biographie. Et dans la dernière, un thriller. C'est sa récolte de la semaine. Direction la sortie. Mais il n'a pas encore tourné les talons qu'un bruit sourd attire son attention. Il tourne la tête et distingue une silhouette féminine. Assoupie. Un livre bancale sur ses jambes. Et un objet tombé à proximité de son fauteuil. Il s'approche sans faire de bruit, s'attendant à voir un filet de bave couler au coin de ses lèvres. Déception. Et stupéfaction. Il regarde un peu plus attentivement la femme. Et il se revoit quelques années en arrière, au Paraguay. Sofia. Un prénom qui ressurgit des profondeurs de sa mémoire. Mais c'est impossible que ce soit elle. La ressemblance est frappante et pourtant il y a quelques différences. Il est troublé par cette vision qui lui rappelle le passé. Au point, que sans un mot, il récupère le téléphone au sol et qu'avec, il tapote doucement sur l'épaule de l'inconnue pour la réveiller et le lui rendre.