Bourbon de luxe piqué dans le bar d’Emrys, le blond avait décidé de rendre visite à Jayden. A l’improviste. Il ne se souvenait pas vraiment des détails de leur rencontre, mais il se souvenait parfaitement du moment. Jayden était un ancien reporter de guerre. Tout comme lui, l’homme n’avait pas été épargné par la vie. Pourtant, il était toujours là. A se battre. Ramené à la réalité, Rylan sortait de sa voiture pour s’approcher du mobile home. Poing sur la porte. Le blond tapait un coup, avant d’entré comme s’il était chez lui. « Si t’es à poile, j’te pris d’mettre quelque chose pour préserver ma vue. » Balayant l’endroit du regard, ce qu’il découvrait était tout sauf ce à quoi il s’était attendu. « Trop tard. Ptain t’as foutu quoi?! » Ovale devenu steak périmé.

Heure avancée de la journée. Pour ne pas dire après-midi. Il est allongé sur son lit, sans bouger. Son corps le fait souffrir pour diverses raisons. Un poing qui s'abat contre la porte d'entrée. Il se relève difficilement. Il n'attend personne, pour cette raison, il va donc se faire un malin plaisir d'envoyer paître son visiteur. Voix qui s'élève, proche alors qu'il sort de la chambre, s'offrant à la vue d'un blondinet. Il n'est pas à poil. Il porte un bas de survêtement qui lui couvre certes sa virilité mais en rien l'hématome qu'il abhorre au ventre, ni ceux de sa mâchoire côté droit, et son nez encore gonflé. Sans compter les cernes visibles. Salut Rylan. Il insiste bien sur la salutation même s'il comprend tout à fait l'étonnement qui se peint sur son visage. J'ai embrassé une porte. Explication bancale que personne ne croira. Il remarque la bouteille de bourbon et se traine jusqu'au coin cuisine pour sortir deux verres. J'pensais pas que tu t'déciderais à venir.

Bordel c’était quoi ça ?! Outre son visage, son ventre revêtait une teinte plutôt inquiétante. Morose, Jay’ lui sortait une excuse minable. Trainant sa carcasse, son ami trouvait la force de leur dégotter deux verres. Ben voyons. « J’pensais qu’tu m’sortirais une excuse plus convaincante. » Abandonnant sa veste sur la banquette, Rylan prenait place afin d’ouvrir la bouteille. « Comme quoi, on peut encore se surprendre. » lançait-il avec sarcasme. Alors que son interlocuteur s’approchait, il versait le bourbon dans les verres. Chaleur liquide. «  Tu m’expliques ou t’continue tes excuses foireuses ? » Poussant le verre en direction de Jayden, il finissait par porter le sien à ses lèvres.

Ce n'est pas vraiment son genre de sortir des excuses convaincantes, il ne l'a toujours pas compris avec le temps ? Il sait qu'il peut se complaire dans des excuses bidons car il est suffisamment borné et con pour camper sur ses positions sans démordre. Il pose les deux verres sur la table basse et se laisse tomber sur le canapé en grimaçant quand son corps se plie pour s'asseoir. Ma vie se résume à te surprendre. Que ça fait du bien finalement de ne déjà plus bouger. Même s'il faut tout de même se redresser un peu pour récupérer son verre. J'ai cherché les coups et ils m'ont trouvé, ça te va comme explication ? Il ne ment même pas sur le sujet. Il a poussé Duncan jusqu'à ce qu'il répondre à sa requête. Il n'imaginait juste pas qu'il cognerait aussi fort. Vu son caractère, Rylan le croira peut-être. Il fallait bien que ça arrive un jour, qu'on le tabasse pour lui faire fermer sa grande gueule.

Grimace sur son visage. Jayden se vautrait sur le canapé qui lui faisait face. S’emparant de son verre, le blond écoutait la possible raison de sa dégaine. Était-il vraiment sérieux ? « Hm. » Prenant une gorgée du liquide ambré, Rylan continuait de darder ses topazes sur son interlocuteur. « T’as dit quoi pour qu’ils y mettent autant d’coeur ? » Plus il le regardait et plus il avait l’impression que ses blessures devenaient plus laide. Qui que ce soit, le mec y avait mis toute sa force.

Remémoration de la discussion de la veille. Est-ce que ce sont vraiment ses mots qui ont déclenché les coups ou finalement n'était-ce que le résultat d'une tension sexuelle entre l'autre et lui qui refusait de sortir. Il réfléchit quelques secondes. Hors de question de parler à Rylan que son père est à l'hôpital. Ils sont amis, mais pas intimes à ce point. Il est encore moins question d'avouer qu'il a de la chance de le trouver chez lui, il devait prendre l'avion pour se tirer. J'crois que j'ai juste bu un coup d'trop et que j'ai frappé le premier. Concrètement ce n'est pas vraiment un mensonge. Il a bu, mais pas de trop. Et il a bien frappé le premier. T'en es où avec ta nana ? Détournement de sujet non dissimulé.

Est-ce qu’agir de la sorte pourrait être son genre ? Totalement. La tout de suite, le blond pourrait aisément le croire. Pourtant, quelque chose clochait. ça sonne faux. A moins que ce soit dans sa tête ? « S’tu l’dis. » La suite de la conversation, confirmait presque ses soupçons. Soupçons infondés. « C’pas ma nana. » Était-il nécessaire de le spécifier ? « Disons qu’ça s’arrange avec mon pote. Qui est son mec. » Lâchant un soupire, il passait une main sur son visage. « Honnêtement, j’sais pas dans quoi je m’embarque. »

Pas sa nana. Vu sa réponse, il aimerait. Il n'y a pas besoin d'être psychologue pour lire entre les lignes et le comprendre. L'expression corporelle en dit pas mal, quand on daigne y accorder un minimum d'attention. C'est à dire ? Il allonge ses jambes pour les poser sur la table basse. J'peux te tirer les vers du nez mais ça ira plus vite si tu t'lances direct. Il sait qu'il en est capable. Ils se connaissent depuis l'enfance et même si à l'époque il ne prêtait pas vraiment attention à lui car il suivait Jared, ce n'est plus vraiment le cas depuis qu'ils ont vécu le même deuil. Il ne remplacera jamais son frère, il le sait très bien et il ne le désire pas. Mais au moins, il peut se montrer présent. Enfin un minimum.

Jay était très fort. Du moins, le brun était suffisamment rusé pour réussir à changer de conversation. A le lancer sur le fameux sujet. Celui qui devrait pas autant l’occuper, mais qui pourtant, l’accaparait. Kris. Pas de problème, le blond l’aurait au tournant. Donnant donnant. « Elle est dans un genre d’truc, du style poly-amoureuse. » Une affirmation relationnelle, qui était de plus en plus publique dans leur siècle, mais qui restait, un mystère pour beaucoup. « En plus d’mon pote, elle a un autre mec. » La messe était dite. Hypnotique ambre. D’une main, il faisait tournoyer son verre, avant de porter ce dernier à ses pulpeuses. Vidé. Le liquide dans l’œsophage, l’homme se livrait un peu plus. « S’il tolère, j’envisage peut-être d’avancer avec elle. » Soupire. « Bref, et toi? ... Et m’dis pas qu’tu vois personnes. »

Verre porté à ses lèvres. Attention tournée vers lui. Il patiente, lui laisse du temps. Il n'est pas pressé de passer à l'action pour le faire parler. Il semble au ralenti vu son état. Enfin il se lance. Gorgée qui manque d'être avalée de travers. Regard demandant s'il se fout de lui. Il semble sérieux. Et voilà qu'il rajoute une nouvelle donnée. C'est trop. Vraiment. Il éclate de rire même si cela manque de le faire grimacer de douleur. T'es sérieux mec. T'envisages d'avancer avec elle alors qu'elle veut trois mecs. C'est insane. Prends tes précautions, ça serait con. Il ne parle pas de son cœur qui finira sans doute, voire même sûrement en morceaux, mais plutôt de sa santé. Qu'il aille pas choper un truc à cause de cette nana. Nouvelle gorgée. Quoi lui ? Il ne caresse tout de même pas l'espoir qu'il se case ? Je vais et je viens entre les nanas. Une silhouette masculine glisse devant ses yeux. Aucune m'accroche, ça doit venir d'mon côté gentil, ça n'attire pas. Sarcasme, jusqu'au bout des doigts.

L’enfoiré explosait de rire. Et même s’il faisait mine de braquer un regard assassin sur lui, Rylan savait, qu’il aurait agi de la même manière à sa place. Sérieusement, c’était presque le comble pour l’égo d’un mec. « ça m’arrange. Elle sera pas derrière mon cul comme ça. » Défense égotique. Il jouait le mec détaché, mais il se voilait la face. « C’mignon, tu t’inquiètes pour ma bite. » Sarcasme. Attrapant la bouteille, le blond remplissait à nouveau son verre. « C’nouveau l’côté gentil. » Sourire sur ses traits, alors qu’il prenait une gorgée. Vu le passif de Jay avec le décès de sa femme, Rylan s’était souvent demandé, s’il pourrait à nouveau aimer quelqu’un. Comme Jennie avec Wade. Ton plus sérieux. « T’as jamais eu envie d’te recaser ? »

Rire qui se calme. Sourire moqueur qui le remplace. Clair qu'elle te foutra la paix, ça sera juste elle qui aura trois bites dans son cul à tour de rôle. Et finalement, rien que d'imaginer, il se retient de repartir dans un fou rire. Il est un enfoiré. Il le sait. Mais un enfoiré qui s'interroge tout de même et qui préfère mettre en garde avant qu'il ne fasse une connerie. Il ne s'inquiète pas pour sa bite, il pourrait se faire castrer qu'il en aurait rien à faire. Jared a suffi. Pas besoin de rajouter le nom de son petit frère sur une pierre tombale avec pour gravure "mort car a oublié de protéger sa bite". Inscription qu'il serait tout à fait capable de faire mettre soit dit en passant. A cause de son côté gentil, ou pas. Doigts qui se resserrent sur son verre à sa question. Non. Réponse ferme, limite cinglante. Et commence pas à me sortir un speech sur le faite de continuer à vivre, être heureux, blablabla. C'est un peu ce qu'a fait Wade. Ma vie me plait.

« T’en dis d’la merde. » S’emparant du coussin derrière son dos, il l’envoyait sur la tête du brun. Non sans se départir d’un sourire faussement amusé. En réalité, ses mots faisaient échos. Partagé entre l’envie de prendre la défense de la blonde et celle de donner réponse à Jay, Rylan finissait pourtant par fuir. Trouvant la brèche pour changer de sujet, le blond s’y engouffrait. Mauvaise idée. Il l’avait vu à l’instant où il avait prononcé ses mots. Visage fermé. Comme voilé, ses traits se teintait d’une obscure aura. « ça tombe bien, c’pas mon genre. » L’homme savait ce qu’était le deuil. Il savait ce que ça faisait d’entendre des gens lui répéter de s’ouvrir. De vivre. Certes, les deux, n’avaient pas vécus le même deuil. Celui de Jayden, était plus complexe. Plus étouffant. Néanmoins, il comprenait la frustration que l’on pouvait ressentir en entendant les gens vous donner certains conseils.

Coussin qui vole sur une distance courte pour lui atterrir sur la tronche. De la merde ou juste une vérité ? Clairement, elle est sans doute dérangeante. Sûrement qu'il ne veut pas y penser. Alors que lui mette des mots dessus doit le ramener à une triste réalité. Il n'a pas pour but de l'enfoncer, juste de le pousser à voir ce qui est sous son nez. Car il le connaît à force. Dans les esquives, il est doué. Pas autant que lui, mais tout de même doué. Il ne rajoute pas une couche, de toute manière son regard s'obscurcit. Rylan a fui, et détourné vers une discussion plus dérangeante, pour laquelle il ne veut aucune morale. Bien. Tant mieux que ça ne soit pas son genre. Il serait chagriné d'en venir aux mains avec lui. Il l'aime bien cette tête de con. Son verre se termine et direct il le remplit de nouveau. Pas mauvais cette bouteille. Tu devais pas me ramener aussi autre chose ? Allusion à son stock de weed. Il fumerait bien un peu là, histoire d'oublier les douleurs de son corps. L'alcool aide mais il ne fait pas non plus de miracle.

« T’perds pas l’nord toi. » Pour ça, il avait vraiment pris des risques. A cause de sa future profession, il devait être clean et éviter de se faire voir avec ce genre de trucs, mais pour Jay, il avait faillit. Glissant une main dans la poche de son jean, il en retirait un sachet. Sachet qu’il lançait à l’attention de son nouveau propriétaire. «  Cadeau. » En règle général, Rylan ne fumait pas, mais il lui arrivait de s’en faire un de temps en temps. En l’occurrence, il était partant pour appliquer cette règle aujourd’hui. Rejetant la tête contre le dossier, le blond laissait ses prunelles dérivées sur le plafond du mobile home. Endroit parfait pour un déserteur. Pour un mec qui fuyait la société ou ce qu’elle pouvait vous faire ressentir. Est-ce que Jay faisait partie de cette catégorie ? Tenté de répondre par l’affirmative. A eux deux, ils avaient accumulés suffisamment de merde dans la caboche pour perdre la tête. Alors, rien d’étonnant à ce qu’un mec comme Jay s’isole. « Fais en un chargé. »