Semaine interminable de dramas adolescents avec lesquels t'es plus habituée de jongler. Voyez-vous c'est que Casey a trompé Samantha qui l'as clash sur ze TikTok ou tu sais pas trop et dans ta classe elles ont faillit s'arracher les yeux avec des baguettes de drums. T'avais dû les séparées et tu t'en étais sortie avec une marque de griffe sur la joue. C'est donc bien crevée que tu t'étais traînée jusqu'au bar ddu pub d'Edenton, pour commander une bière à siroter avec tristesse avec le fantôme de ton grand-père et son café, parce qu'il boit plus, lui-même au paradis, mais qu'il traîne encore là. T'abandonnes d'ailleurs ton portable, parce que ton mec, pire ton fiancé, ne te répond pas. S'aurait été bien qu'il décroche, qu'il se ramène, que vous aillez une bonne petite soirée, à picoler, à décrocher, cesser de paniquer, vous retrouver, vous souvenir pourquoi vous vous étiez aimés. Sauf que nan. Ça fait longtemps que tu crois plus, que le bonheur, le vrai, t'y a droit. C'est juste comme ça. Et pourtant tu veux toujours y croire encore. Comme quand tu vois la rouquine du coin de l'oeil et que tu fais comme si tu l'avais pas vu. Parce que ton ventre s'est serré, parce que t'as faillis t'étouffer avec ta gorgée et que t'es là, l'air brillante à toussoter. Tu l'as revue, pourtant, des tas des fois en trois ans. Mais ce soir, tu sais pas. Ça fait mal au ventre quand tu l'entends rire. T'as juste envie de lui dire de te suivre, de lui proposer de te suivre, de s'enfuir, d'aller ailleurs pour mourir. Sauf que tu peux pas. Tu peux juste rester là, avec ton sang qui dans tes veines se noie lui-même quand son regard se pose aussi sur toi. Quand ses yeux croisent les tiens, qu'elle a vue que tu l'as vue, que le match est perdu, que tu regardes ta bière et te faisant croire que t'es pas encore vaincue. Ça va aller, Sash, chill the fuck out, please gurl.

Une soirée d'plus où j'ai déjà probablement trop bu, mais j'en ai rien à foutre. Parce que j'suis jeune et que j'ai envie d'en profiter. Parce que j'suis avec mes potes et que j'me soucis pas de c'que les autres peuvent penser. Parce que ça fait du bien de m'évader de mon quotidien et so what si j'bois tous les jours et que j'm'évade plus que la moyenne des gens? J'suis pas bien ici, à Edenton, j'ai jamais voulu venir là et, même si j'ai des amis, une tante et même de quoi tirailler mon coeur à gauche et à droite, je rêve encore de partir. Je ris comme si j'avais pas mal de tourner en rond depuis si longtemps, j'souris comme si j'étais fière d'être serveuse dans un diner et créatrice de contenu onlyfans sans avenir à 26 ans. Et quand j'vois ton regard au bar, j'me permet de m'y accrocher pour la première fois en trois ans. T'étais où pendant tout ce temps Sasha? On m'a dit que t'étais parti à New-York, félicitations, t'as réussi, toi. Alors pourquoi t'es revenu? J'pars vers le bar et lève la main pour attirer l'attention du barman. J'me pose sur mes coudes près de toi. Très près. Trop près. You shouldn't drink alone... Sasha. Je mets l'emphase sur ton prénom comme si j'étais pas supposé l'prononcer, comme un sorcier rebelle qui prétend ne pas craindre Voldemort. Sauf que j'suis terrorisé quand t'es près d'moi.

Bien sûr faut qu'elle s'approche. Bien sûr tu sais plus quoi faire de toi. Tu sais plus où te mettre. Tu balances ta franche ton bord avant de te souvenir que t'es plus mignonne quand tu la portes de l'autre. Elle est déjà là, trop près de toi. Tu te sens conne de paniquer parce que son coude t'as effleuré. Comme ça, juste l'espace d'un moment, t'as de nouveau quinze ans. Sauf que rien n'as changé. Elle est encore trop jeune pour toi et tu vas encore rien assumer. Ah et oui c'est vrai, t'es toute près de te marier. Non, non quand même, juste en avril, même si sûrement plus en mai. Même si là, en ce moment, t'as juste envie de courir, t'enfuir sans te retourner. Juste parce qu'il répond pas. Et pas te répondre, c'est se foutre de toi. Ça, plus elle, ton coeur est à se débattre, lui aussi à envie de s'en aller. Kris elle te balance que tu devrais pas boire seule. Et quand ses lèvres glissent sur ton prénom, tu te bats contre tes frissons. Tes yeux qui mentent, qui se lèvent au-dessus de ton épaule comme si c'était la première fois qu'ils la regardent. « Leave your little friends and join me then... » Que tu lui répliques en les pointant du nez, les greluches et fuckboys qui ricanent de là où ressort. Ton regard qui revient se harponner dans le sien, trop brûlant pour votre bien.

J'sais pas à quoi je m'attends. À jouer les fortes, à jouer les braves. À penser que si j'suis la première à parler, peut-être, juste peut-être, ce sera moins difficile. Que tu diras rien parce que t'es plus vieille, plus brillante, plus mature. Parce que t'es toujours celle qui a fuit la première et que, pourquoi cette fois serait différente? Sauf que tu l'ouvres cette bouche qui m'a apprit des merveilles et que ta requête elle me fait tressaillir même si j'le montre pas. Le barman arrive et je lui commande quatre shooters de whisky. Je tourne ensuite lentement la tête vers toi, le même sourire toujours accroché à mes lippes. Thanks, but I'm not in the mood for sad and lonely. Le barman pousse les quatre petits verres et je lui donne un bille ten échange sans pour autant te quitter des yeux. Deux des shooters vont vers toi alors que j'en prends un entre mes doigts et le porte lentement à mes lèvres. Bois avec moi Sasha, c'est maintenant ou jamais.

C'est pas juste que tu la vois, juste comme ça et que ça te fasse tout ça. T'étais pas du tout préparé à elle et ses yeux bulldozen pour te runover. Et pourtant tu la laisserais faire, encore et encore. Jusqu'à ce que tu ne sois plus qu'une toute petite purée de Sasha. Parce qu'il fait chaud-là non ? Parce que tu les as toujours aimées les filles qui piquent quand on s'y frotte. Que ça fais longtemps que tu la laisserais marcher partout sur toi. Maman a menti, finalement, ça passait pas ses trucs-là ? Apparemment non, parce que t'as encore envie de la laisser te ruiner. Tu ne sais que pousser un rire soufflé avant que vers toi les shots ne soient poussés, le regard de défi qui contre elle vient se relever. Ton regard qui glisse contre le verre, contre ses lèvres. Fuck qu'est-ce que tu donnerais pas, pour être encore ce verre-là. Juste une soirée, genre, une soirée où ça pourrait ne pas compter.  « Yeah, more in the mood for pathetic and horny, huh ? Or so are those monkey over there. Cheers babe ! » Que tu lui relances avec un clin d'oeil, descendant un premier shot, puis un autre. Ça fait beaucoup d'un coup, mais tu pinces les lèvres et fait comme si rien, t'es douée pour ça. Un sourire en coin qui s'invite là. « That's all this place is, sad and lonely. I'm getting out of town, you coming ? » Que tu déclares en descendant aussi le reste de ta bière. Attrapant ta veste en cuir pour l'enfiler. Ce sera plus safe si quelqu'un vient avec toi, comme ça tu seras obligée de revenir. T'as envie de disparaître juste assez pour le laisser s'inquiéter. Lui faire regretter.

J'aurais du mieux me préparer avant d'venir jusqu'à toi. Parce que m'armée d'un sourire et d'un sens de la répartie ça n'a jamais vraiment été efficace avec toi. Qu'est-ce que j'croyais? Évidemment que tes paroles me piquent et me font mal. Pathétique. J'suis rien de plus, je l'sais bien, pas besoin de tourner le couteau dans la plaie Sasha. Un premier shooter avalé et mon regard qui suis le mouvement de ta gorge alors que le liquide y passe. Je fais pareil et attrape le second pour m'assurer que tu ne te défiles pas. Manège répété et j'fais l'erreur de regarder tes lèvres à nouveau. Fais moi pas ça. Out of town? Ta gueule Kris. Suis la. Juste ce soir, juste une fois. Qu'est-ce que tu donnerais pas pour quitter la ville d'toute façon? What if vous n'revenz pas? Un regard à ma bande de potes, personnes va remarquer si j'reviens pas. Un sms à mes colocs devra faire l'affaire. Whatever. Ouais, prend un air décontracté ma vieille, c'est mieux. Personne y croire, mais à force de prétendre, peut-être que toi t'y croiras. Ma veste je l'ai pas retiré quand on est arrivé alors j'suis la première à sortir dehors. Where's your car?

Un shot, puis deux et t'as désormais une excuse pour tes joues tendrement empourprées. Elle l'a cherché, c'est elle qui a commencé. Et toi, tu sais rien faire de mieux qu'avaler et encore la défier. Est-ce qu'elle vient ou elle préfère rester dans cette ville de merde avec ses potes de merde. She says whatever. Puis elle sort devant toi, tu la suis, c'est mieux comme ça. La vue est meilleure d'ici, tes yeux qui peuvent glisser sur elle sans se faire pincer, jusqu'à ce que l'air plus frais viennent vous frapper. Mais c'est pas vraiment assez pour te calmer. «Over there... » Que tu pointes du menton avant de t'avancer vers la mustang décapotable rouge de laquelle le toit et rabaissé. Elle a de la gueule ta bagnole. Le bon vieux modèle, juste assez vintage pour aller avec ton esthétique de fille duquel la rockeuse sait pas trop se décrocher. Tu te penches du côté passager, déverrouillant la boite à gants, des clopes attrapées. Oupsi. Tu lui en offres une avant de t'appuyer contre la voiture et allumer la tienne, de la regarder, comme si t'essayais encore de comprendre encore là où vous avez merdé. «Road trip or what ? Where'd you wanna go ? » Tu cherches quoi lui dire, par que sinon, tu sais pas. Allo, quoi de neuf, t'es qui maintenant. Est-ce que t'es toujours la même en dedans ? Juste plus belle, plus cruelle. Fuck.

Dans quoi est-ce que j'me suis encore foutu les pieds? À croire que c'est une habitude chez moi, nay, une seconde nature que de marcher tout droit dans le feu pour m'y brûler. Mais n'as-tu pas toujours été la première flamme? Celle qui a éveillé mon attrait à la déesse? Ton menton m'indique ta bagnole et l'ironie me frappe. Évidemment, une convertible rouge pompier. Quoi de plus approprié pour les flammes éternelles du désir? J'dis rien tandis que tu prends tes clopes, accepte volontiers cependant d'en fumer une avec toi. Je m'appuis contre ta caisse à distance raisonnable cette fois et fume comme si me raccrocher à ce bâton m'empêcherait d'me perdre avec toi. Don't look at me, it was your idea. I don't care where we go, I just wanna get outta here. J'hausse les épaules, feignant toujours l'indifférence. J'vous jure que j'vais finir par y croire. Je contourne la voiture, me glisse sur le siège passager en passant par-dessus la porte comme ils le font dans les films, laissant possiblement entrevoir ma culotte sous ma jupe au passage. C'est voulu? Qui sait?

Elle est brûlante la rouquine, l'air badass, l'air de s'en foutre à fumer contre ta bagnole, tranquille. T'espèrais qu'un jour ça passerais, que t'arrêterais de la trouver bonne. Mais ni les années ni la perspective de bientôt te marier ne font que ça puisse passer. Ça fait trop longtemps que t'as pas goûté ses lèvres et les shooters ambrés te font te demander si le goût de sa langue a changé. Elle fait genre elle s'en fout et ça te fait sourire, même tendrement rire quand tu viens recracher ta fumée, que t'hausses les épaules avant de rétorquer.  «Okay... » Et tu sais même pas, toi non plus, là où tu vas l'emmener. Tu verras, là où la route va vous attirer. Même si c'est surtout elle, qui t'attires, là. Sautant dans ta voiture, dévoilant un peu le dessous de sa jupe. Ça te prend une seconde te ressaisir, choisir de continuer pour le meilleur, mais surtout le pire. Peut-être que ce soir c'est Axel qui attendra, des réponses à ses sms qu'il aura pas. Parce que toi aussi t'as grimpée, derrière ton volant. Le vieux rock qui dans la radio se met à gueuler quand tu viens démarrez. Quand comme tes voleuses, vous vous barrez. Pendant une heure vous roulez. Alternant entre fumer, s'envoyer des piques ou des questions salées et chantonner quand une bonne chanson vient se glisser. Une heure plus tard c'est dans Virginia beach que vous débarquez. Au RY lounge ou whatever. Elle dit qu'elle s'en fout, mais tu sais qu'elle va juger.  « Sorry, it aint New York. Was too lazy to drive seven hours. But that will do to get fucked up, don't you think ? » Que tu la questionnes même si pas vraiment, avant de vous diriger vers l'intérieur. Là où ça grouille de monde, qui boivent, qui dansent. Mais pour l'instant t'as soif, te dirige vers le bar, ton tour de payée la tournée de whisky. Putain ce que sous les lumières bleues, elle est jolie.

Le trajet est étrange, c'est le moins qu'on puisse dire. Entre les silences et les questions qui ne sont posées que pour pousser l'autre dans ses retranchements, entre ces chansons qui font sourire et celles qui donne envie de chialer, on se retrouve une bonne heure plus tard nulle part ailleurs que Virginia Beach. Nouveau pincement, pour d'autre raison cette fois. Ces rues que je connaissais jadis par coeur. J'me sens maintenant comme un vieux fantôme revenu pour hanter l'endroit avec toute ma haine, ma rancoeur et mes unfinished business. Sure. Je pince les lèvres et marche vers ce bar où je compte définitivement boire jusqu'à oublier mon nom. You know what they say about this place? Virginia is for lovers. L'ironie est belle, vous trouvez pas? Tu commandes pour nous deux, une tournée de whisky, c'est devenu notre truc Sasha? Les petites verres arrivent et j'en prends un entre mes doigts. J'te fixe et j'regrette un moment que ce soit pas de la tequila pour avoir une raison d'faire des body shots avec toi. T'es belle, tu m'fais mal. Pourquoi j'suis là? Cheers! J'avale mes regrets, mes désirs et le whisky d'un seul coup.

Virginia c'est pas trop loin, mais juste assez. T'as pas d'histoire ici, personne qui est venu t'y pourrir la vie comme à New-York. Personne sauf elle avec ses yeux de feux. Elle qui te susurre que Virginia c'est pour les amoureux. Ça te fait rire tendrement, et un peu grincer des dents.  « And so we were. Weren't we ? » Que tu laissais échapper juste avant de t'engouffrer, la musique et l'ambiance pour tout avaler, de ce qui deviendrait trop fragile ou trop lourd à porter. Le nightclub vient tout avaler. Comme les shots servent à venir bientôt tout brouiller. Cheers et on avale tous les regrets. Ça te rend plus légère, mais faudra peut-être éventuellement changer de poison, non ? Tu sais pas et vite tu oublieras. Parce que tu lui souris, viens te perdre un peu dans ses yeux. Le corps qui tangue, le ventre qui te démanche. Tu finis par lui tendre ta main, sans savoir si elle va l'attraper, si tu veux qu'elle l'attrape. Sans savoir ce que ça va faire quand ses doigts vont se glisser dans les tiens, quand elle va danser et respirer trop près de toi. À condition qu'elle l'accepte. « Let's dance. » Que tu lui souffles, attrapant ses doigts, tirant doucement sur son bras, le ventre qui fout le camp, le petit sourire qui ne part pas. Les envies que t'essaies de réprimer, d'oublier. Danser. Tu veux juste danser.

« And so we were. Weren't we ? » Oui vas-y, tourne le fer dans la plaie, un fer chauffé à blanc j'oserais même dire. T'y prends plaisir à me torturer Sasha? À me rappeler ces baisers volés et ces semaines de silences? Qu'est-ce que j'dis là? Ces années de silence tout simplement pour m'inviter ici ce soir. Fait pas comme si c'était hier qu'on se cachait pour être réellement nous. Cette tournée de whisky n'effacera pas ma mémoire, le downside de boire aussi souvent c'est que j'développe une tolérance tu vois? Ta main est tendue vers moi, mais j'fixe ton regard. Parce que j'veux comprendre, parce que j'veux savoir. Pourquoi? Ici? Maintenant? Je lève la main, mais la conviction n'y est pas. Je dépose le shooter vide et attrape le second que je m'enfile sans te porter un toast. Au final, c'est toi qui prend ma main et m'oblige a te suivre. Mes pieds me trahissent, mes hanches aussi d'ailleurs. Il faut chaud, je ferme les yeux, passe une main dans ma tignasse de feu et me laisse porter par le son. Tu veux danser? Alors dansons. Parce que j'veux certainement pas parler et que si j'te regarde trop longtemps, j'vais pas tenir sans t'embrasser.

La question tu la poses autant à elle qu'à toi. Vous étiez quoi ? Et aussi est-ce qu'elle sait ? Est-ce qu'elle sait dans combien de chansons t'as tentée de la couchée sur du papier, de la baiser, de la purger, de la maudire et puis de l'oublier. Essayé. Et pourtant vous êtes là. Tu sais pas si c'est l'univers, poésie karmique ou quoi, tu sais pas. Peut-être que c'était comme ça, que t'avais besoin de la purger avant de vivre ta petite vie rangée de femme mariée. Ta petite vie qui parfois te faisais tellement putain d'angoiser. Comme un sentiment d'en toi-même, être enfermée. Parce que peut-être que parfois, tu t'abandonnerais, si tu pouvais. En fait non, tu sais pas, si tu tortures plus elle ou toi. Surtout que là, même si les visages sont étrangers, vous êtes pas du tout, du tout cachés. Une petite photo d'une fan qui t'as pas oubliée et tu serais salement grillée. Même si, techniquement, t'avais rien fait de mal encore. Sauf que vous le savez toutes les deux, que c'est qu'un manège, qu'une question de temps. Que c'est qu'une bataille de fierté, de savoir qui va flancher en premier. Qui aura la faute à porter. Traînée presque de force sur la piste, parce qu'à boire comme ça, toi, tu ne sauras pas garder le rythme. Préfère celui de tes hanches qui ondulent doucement. Tes yeux qui se ferment aussi, parce que sinon les lumières les éclatent, parce que sinon tu vas avoir envie de glisser tes mains sur elle. Et tu peux pas, t'es pas encore assez bourrée pour ça, pour que ça compte pas, pour que ça puisse être logiquement expliqué et pardonné. Sauf que vos corps sont des aimants. Ne l'ont-il pas toujours été ? Souvenirs d'angle mort d'un couloir où ton corps osait la plaquer pour l'embrasser, pendant que tout le monde étaient en classe. Tu pouvais pas vraiment passer une journée, sans l'effleurer. Et pourtant, ça fait maintenant des années. Et t'as l'impression que le contact de vos corps créerait une catastrophe naturelle, quelque chose comme une explosion. Mettrait tout le monde en ruines, mais t'as envie d'être égoïste. Juste ce soir. Juste ce soir, hein ? Dans votre aveuglement mutuel, les corps viennent se percuter, ton épaule contre la sienne et c'est son bras que tu reviens attraper, quand tu te découvres trop près d'elle, relèves ton nez, trop près du sien. Pourquoi tu respires plus, sauf pour souffler.

«Oops, sorry... »

La musique n'est pas suffisamment forte pour noyer mes pensées et l'alcool pas suffisamment fort pour me donner l'courage de faire c'que mon esprit n'arrête pas d'me dire d'éviter. T'es la pire drogue que j'ai jamais pu prendre Sasha et j'sais que le sevrage sera pire encore cette fois si j'flanche. Pourquoi? Parce qu'on se contentera pas de quelques baisers dans l'ombre d'un garde-robe cette fois. Parce que mon imagination ne pourra même pas suivre la partie cette fois, les gestes prendront le dessus bien avant et ô combien plus loin. Sauf que tu l'sais toi aussi, pas vrai? Que c'est qu'une façon de tourner autour du pot, de trouver des défaites, de justifier l'erreur qu'on a déjà commise tout au fond de nous? À la seconde où j'ai quitté ma bande pour venir près de toi, on était déjà dans un lit toi et moi. Sans fringues, sans inhibitions et sans retenu. Les corps se bousculent tandis que j'essaie de penser à autre chose qu'à l'attirance magnétique entre nous et, évidemment, nos corps se retrouvent terriblement trop près. Je baisse légèrement les yeux, j'fais à peine 3cm de plus que toi maintenant et tout c'que j'vois, c'est tes putains d'lèvres qui tentent de s'excuser. Ma conscience part en vacance et je soupire un coup avant de briser la distance et venir prendre possession de tes lippes dans un gémissement que je ne peux même pas retenir.

Tu dis que t'es désolée, mais tu mens. T'es pas désolée. Ni de l'avoir arrachée à ses amis, ni de l'avoir emmenée loin, ni de l'avoir forcée à danser, ni de la bousculer, ni d'être beaucoup, beaucoup, beaucoup trop près d'elle. T'aimerais aussi avoir un fiancé parfait à qui être désolée, mais c'est pas le cas. Tu répètes le pattern, cherche des gars qui savent trop bien te prendre pour acquise et te négliger. Tu sais pas ce que tu fais, ou peut-être que ton inconscient le sait exactement. Que t'es en train de te venger, de tout saboter. Parce que même si tu te retiens, le mal est déjà fait depuis le moment où sur elle, ton regard s'est posé. Tu crois naïvement que si ça arrivait juste une fois, ce serait fait, ce serait purger. Que t'en voudrais pas encore et encore et encore, jusqu'à en devenir tarée. Parce que c'est le cas, quand elle vient t'embrasser, que tu grondes dans sa bouche aussi, comme si t'étais vraiment surprise. Un peu. T'en rêvais, mais tu pensais pas qu'elle allait vraiment le faire. Et tes pieds touchent plus par terre. Sous ses lèvres t'as de nouveau quinze ans et tu lévites. Le ventre en vrac, les genoux mous, dont on s'occupera plus tard. Elle t'arrache à toi, vous ramène dans le passé pour une soirée. Tes lèvres qui se perdent à l'embrasser plus fort, ta langue qui va s'y mêlée. Tes mains qui derrière ses hanches viennent s'agripper, vos ventres qui viennent se retrouver. Faudrait sûrement que tu te forces, que tu fasses mine de lutter, mais c'est pas le cas. Tu sais même pas, si elle sait, que c'est mal ce que vous faites. Que ça à toujours été mal, ce que vous faisiez ensemble. Quatorze ans et c'était toujours aussi interdit et honteux de vous embrasser. Et pourtant, au centre d'une foule d'étrangers, c'est encore mieux. C'est pas correct, hein ? Que t'ai l'impression de renaître, juste là ? Que t'ai l'impression que tout est possible à nouveau ? Comme le putain de bisou magique des films, celui qu'on cherche toute sa vie, sans jamais le trouver. Est-ce que le tien, il ne serait pas là ? Peut-être pas. Parce que tu vas t'y briser, Sasha. Parce que tu les aimes comme ça, quand ils veulent jamais vraiment, être à toi. Parce qu'elle sera jamais, rien qu'à toi. Pas plus que personne n'as jamais vraiment voulu l'être. Ton coeur se fait la guerre et pourtant tu l'oublies contre ses lèvres.