« Trop aimable. » ironisait-il. Changement d’humeur. Les yeux pétillants, il reportait à nouveau son attention sur la carte. N’ayant pas spécialement faim, l’homme se contenterait d’œufs brouillés. Pas très bavard. Mais que dire après plusieurs années d’absence ? Posant la carte, il s’adossait contre le dos de la banquette, sans quitter des yeux la rouquine. « C’pas le cas ? » Respirer était un privilège que d’autre n’avait pas eu. Même si les civils n’avaient pas toujours conscience de ce qu’il se passait à l’extérieur. Pour eux, voir des soldats déployés à cette époque, n’était en rien comparable avec la seconde guerre mondiale. Certes. Néanmoins, ça ne changeait rien. Guerre vicelarde. Les médias faisaient en sorte de passer les détails sous silence. De ne pas dire que les soldats de toutes les nations, se faisaient canarder inlassablement par l’ennemie. Que ce soit en Syrie, au Mali ou en Irak. Oh bien sûr, il parlait d’une ou deux morts entre deux bulletins météos, mais ça ne changeait rien. Alors, on ne pouvait pas en vouloir au civil. Oh non. Mais, on ne pouvait pas –non plus- leur balancer une vérité qu’ils ne pourraient pas intégrer. « Qu’est-c’que tu veux que j’te dise. J’suis là. C’est l’plus important à savoir. Les interrompant, un serveur passait prendre leur commande, avant de repartir. « Mais j’veux bien répondre à n’importe quelle question, si tu m’dis c’que t’as eu. » Attrapant le verre d’eau que le serveur leur avait apporté, il prenait une gorgée. « Choisis bien. » Autrement dit, une seule question.

Tu croises ta jambe sous la table comme si ça allait être plus confortable. Tes mains sur ta cuisse élevée tu l’attendais. Tu savais que le sujet allait être jeté sur la table parce que sinon vous ne seriez surement pas là assis l’un face à l’autre. Est-ce que t’as envie d’en parler encore et encore de cette histoire ? Non, certainement pas, déjà que tu l’as raconté à Jam. Ça te suffisait bien. T’as eut quelques clientes curieux, mais tu as toujours resté très vague ou donné les mêmes raisons qu’à Rylan au départ. « Mais j’veux bien répondre à n’importe quelle question, si tu m’dis c’que t’as eu. »  Tu soupires puis replaces tes cheveux derrière tes épaules. Tes yeux baisser sur la table t’hésites à savoir comment tu lui présenteras ton petit problème. « Je me suis disputé avec mon coloc.  » Oui tu viens de présenter Lake comme étant ton coloc, mais est-ce vraiment nécessaire que Rylan sache que vous deux vous êtes marié ? Non tu ne crois pas, du moins pas tout de suite. « Sur mon passé, mon présent aussi. » Tu marques une pause pour prendre une peu d’eau. Tu ne sais plus si tu as déjà parlé de ce que tu faisais avant à Rylan, mais tu n’continues pas sur ce sujet. « Je l’ai poussé alors que j'étais en colère, mais je n’avais pas calculé l’escalier derrière .. alors en tentant de se retenir il m’a agrippé et on est tombé tout les deux dans l’escalier . » Tu ne mens pas, c’est vraiment ce qui s’est passé. Tu as poussé Lake dans un élan de colère noire, puis il t’a entrainé avec lui dans sa chute. « Voilà ce qui c'est passé. » Un accident bête mais qui aurait pu être fatal, autant pour lui que pour tout les deux.  

Dispute avec son coloc. Fuyant son regard, Lou évoquait les raisons de son bleu. Quel genre de colocataire se permettait de se mêler de sa vie et de faire des reproches sur son passé ? Qu’est-ce que ça pouvait foutre ? Après tout, Lou était libre. Ce qu’elle avait fait ou ne pas fait, ne regardait qu’elle. Je l’ai poussé. La manière dont elle en parlait, évoquait pour lui, une présence masculine. Se radoucissant légèrement, Rylan prenait la parole avec prudence. « Personne à l’droit d’te juger. » Pourquoi vivre avec ? Sérieusement. « Si déjà vous vous engueulez comme ça, ça va être quoi la prochaine fois. » Sanguine. Le blond la connaissait assez pour savoir qu’elle pouvait faire preuve d’un comportement impulsive. Et lorsqu’on y cédait, on franchissait certaines limites. Des limites parfois, irrécupérables.