Lundi 04 janvier. Ariane est soulagée, au terme de sa semaine de vacances, de retrouver les murs rassurants de la librairie. Trop de temps libre nuit à sa santé mentale. C'est elle qui est d'ouverture, elle s'occupe donc de toute la mise en place avec les gestes précis et mécanique de l'habituée. La matinée passe, relativement tranquille, et à l'heure où elle s'apprête à fermer pour prendre sa pause déjeuner, la clochette tinte, annonçant l'entrée d'un client. Bonjour, désolée j'allais just... Elle vient de lever les yeux du présentoir sur lequel elle installait une des dernières sorties littéraires, et marque une pause en reconnaissant Rylan. Salut ! Tu as passé de bonnes fêtes ? Dont le réveillon de Noël chez cette peste de Jennie - Ariane se sent cernée par sa voisine. Je peux t'aider ? Elle sourit et passe une main dans ses cheveux pour les replacer. Elle ne saurait vraiment dire ce qui retient à ce point son attention chez l'homme qui se tient en face d'elle, toujours est-il qu'elle a envie de lui plaire.

Mains dans les poches. Évoluant dans les rues commerçantes d’Edenton, Rylan laissait ses pas le guider vers la librairie. Depuis son retour, il n’avait pas acheté grand chose. Aussi, l’homme s’était décidé à la dernière minute pour s’acheter un nouveau roman. Brise glacée. Claquant son visage ivoire, le vent devenait de plus en plus fort. Heureusement, il arrivait devant la boutique. Main sur la poignée, le blond poussait la porte. Chaleureuse atmosphère. Réchauffé par la chaleur de la librairie, il sortait les mains de ses poches. De ses opales, il observait les rayonnages lorsqu’une voix familière l’apostrophait. Ariane. A sa vue, un sourire venait égayer son ovale. « Salut ! Bien et toi ? » Étrangement, ça c’était mieux passé qu’il ne l’avait imaginé. Pour la première fois depuis longtemps, il avait pu se tenir dans la même pièce que Jennie sans que cela finisse en guerre froide.   «  Qu’est-ce-qui pourrait m’plaire à ton avis ? » Malicieux, Rylan lançait un regard en biais à la jeune femme. La première fois qu’il me s’étaient rencontrés, le courant était passé tout de suite. Pourtant, il avait parfois l’impression de la rendre nerveuse. « Je t’ai vu l’autre jour. »

Ariane est contente d'être seule à la librairie ce jour-là. La présence de Rylan a tendance à la rendre nerveuse, comme une fille qui aurait son premier crush. Sauf que ce n'est pas le cas, et ses cheveux blancs vont continuer d'apparaître à une vitesse monstrueuse si elle ne se détend pas. Ariane, anxieuse ? Si peu. Elle répondit au sourire naissant sur les lèvres de Rylan. Pareil, c'était chouette, j'étais en famille. Ses pensées s'égarent quelques secondes vers le domicile de son oncle et de sa tante, parfumé des odeurs du repas de Noël... avant de revenir à Rylan. Hm... Elle mordille son ongle, tic habituel. Attends une seconde. Elle file vers les rayons, une idée de livre en tête. Elle est cachée derrière les hautes étagères de bouquins quand elle entend Rylan lui dire qu'il l'a vu récemment. Elle s'empourpre. Faites que ce ne soit pas le soir du réveillon. Sortant de chez elle pour se rendre chez sa famille, elle avait aperçu Rylan sur le point de gravir le perron de Jennie et avait demi-tour promptement, tête baissée. Sérieux, Ariane. Ah bon ? Petite voix innocente. Elle prend son temps pour trouver l'ouvrage à présenter à Rylan.

Lui donnant l’impression d’être perdue dans les recoins de sa mémoire, la brune se mordillait l’ongle. Pulpeuses misent en valeur. Le laissant la, Ariane partait s’aventurer dans les rayonnages. Question miroir. A la suite de son affirmation, la jeune femme feignait l’indifférence. Sauf, qu’il n’était pas dupe. Rylan avait croisé son regard ce soir là et elle l’avait parfaitement reconnue, mais fait étrange, elle l’avait ignorée. Pas léger. Comme s’il jouait avec une proie, le blond s’immisçait entre les étagères. Ombre furtive. Ses prunelles bleutées, ne tardaient pas à trouver leur cible. L’observant entre deux livres, il accrochait son regard. « C’était pas toi ? » Voix rauque. Pourquoi faire semblant de ne pas comprendre ? S’il y avait bien une chose sur laquelle il était sur, c’était sa capacité à enregistré un visage.

Elle gagne du temps, c'est tout. Si effectivement il l'a vue ce jour-là, elle est de toute manière déjà passée pour une idiote. Rylan a tout de suite tapé dans l'oeil d'Ariane quand il a passé la porte de la librairie un mois auparavant. Chevelure blonde ondulée, yeux bleux perçants, mâchoire dessinée... et cet air légèrement désabusé de celui qui a en a trop vu. Puis le feeling était passé également au fil de leurs discussions, et Ariane était toujours ravie de le croiser. Jusqu'à la semaine précédente. Joli minois et conversation intéressante, certes, mais Rylan valait-il le coup de se farcir encore une fois Jennie Kendall à toutes les sauces ? Nope. Elle entend les pas s'approcher, jusqu'à croiser les iris bleus de l'autre côté de l'étagère. Ca ressemble méchamment au jeu du chat et de la souris, et étrangement elle ne sent pas dans la posture du félin. Si. J'étais pressée, j'avais oublié un truc, je ne pensais pas que tu m'avais reconnue. Mensonge éhonté, mais elle bat des cils et offre un sourire. Avant d'attraper le livre qu'elle cherchait et de l'agiter devant le visage du jeune homme. Douglas Kennedy, The big picture, je suis sure que ça va te plaire ! Tentative de changer de sujet, de quitter l'atmosphère inquisitrice.

Pressé. C’est l’excuse qu’elle trouvait, car c’était bien de ça qu’il s’agissait, non ? L’air de rien, Ariane affichait un sourire presque sans défaut. Presque. Ce dernier, était loin d’atteindre ses yeux. Sujet clos. Du moins, le croyait-elle. Rompant leur lien visuel, elle lui présentait un roman. Contournant l’étagère, Rylan venait se placer pleinement face à elle. Mains qui se frôlent. Presque délicatement, le blond attrapait le livre. Rictus sur ses pulpeuses. Il laissait ses azurs parcourir le résumé du livre. «  Hm. » Pause. «  Pas mal. » Eclat amusé dans les iris Pour une raison qu’il ignorait, Ariane voulait éviter le sujet du réveillon. Ce qui lui donnait encore plus, l’envie de découvrir la raison. Pourquoi faire semblant ? Y avait-il quelque chose qu’il ne devait pas savoir ? Curiosité éveillée. Un mois qu’il avait fait la rencontre de l’attirante libraire. Un mois qu’il n’avait vu dans ses échanges qu’une passion partagée pour la littérature. Rien de plus. Parce qu’il était comme ça. Il ne forçait jamais les choses. Pourtant aujourd’hui, Ariane avait entrouverte une porte. Un mystère. Et il voulait comprendre. Finit les messes basses. C’est dernier jours, Rylan avait déterré suffisamment de cadavres. Inutile donc d’en rajouter. « Tu sais qu’tu mens très mal. » La narguant avec le livre, il s’éloignait d’elle, tout en continuant d’arpenter les rayonnages. Oubliant même qu’il empiétait sûrement sur sa pause.

Ariane, hopelessly romantic. Elle a peut-être lu trop de romans d'amour. L'idée de rencontrer un homme sur son lieu de travail, sa passion, l'a séduite presque autant que l'homme lui-même. Mais ce n'est rien d'autre que de la bienveillance entre elle et Rylan, un intérêt commun, des bons plans à partager. Ils n'ont jamais rien partagé d'autre, Ariane était seulement sur le point de l'inviter à se voir en dehors des murs de la librairie. Le livre proposé en main, le blond s'éloigne, flâne, lui glissant une petite phrase amusée au passage. Le jeu du chat et de la souris continue, donc. Et la voilà coincée entre ses griffes, il ne la laissera pas se sortir de son petit mensonge. Elle triture ses cheveux, les entortille, les relâche ; gestuelle nerveuse. Après tout, elle n'a rien à lui cacher. Ce qui est embarassant, c'est d'avoir fui au lieu de simplement poliment le saluer, mais son anxiété l'a guidée la majeure partie de sa vie et on va difficilement à l'encontre de sa nature. Il paraît que c'est pas mon point fort en effet. Elle avance vers lui, s'arrête au début du rayon où il se trouve et s'appuie contre l'étagère. Et joue cartes sur table. Tu allais vers chez ma voisine, et on a des relations... compliquées, elle et moi. J'avais pas envie de la croiser un jour de réveillon. Les deux femmes se voyaient déjà bien assez comme ça. La version la plus honnête aurait été je t'aurais bien proposé un verre mais quand je t'ai vu aller chez elle, ça m'a froissée. Ceci dit, la réponse d'Ariane se rapproche assez de la vérité. Pas besoin de dévoiler son esprit qui court trop vite et tire des conclusions hâtives.

Etau qui se resserre. Arpentant les lieux, il laissait le jeu prendre de l’ampleur. Par moment, ses prunelles jetaient des coups d’œil à une Ariane nerveuse.  Amusé. Il attendait patiemment qu’elle cède. Lorsqu’il l’avait croisé ce soir-là, son visage avait laissé apparaitre une étrange lueur. Comme si quelque chose l’avait fait fuir et quelque chose lui disait, qu’il n’était pas en cause. Bruit de pas. La brune mettait fin à leur ronde pour s’avancer vers lui. Mots glissant sur sa serpentine. La vérité transparaissait. Jennie. C’était elle, la responsable de son regard fuyant. Apparemment, il n’était pas le seul à avoir une relation compliqué avec sa belle-sœur. « Compliqué ? Ça veut tout et rien dire ça. » Croisant les bras, il s’adossait contre l’étagère. De cette manière, le blond se trouvait face à elle. Luminosité tamisée. A l’abri des regards extérieurs, Rylan avait comme l’impression d’être cloisonné dans une bulle. C’était l’une des particularités de cet endroit. Pareil à une bibliothèque, vous aviez l’impression d’être plongé dans un autre univers. Mon Sanctuaire. C’est ce que disait sa grand-mère maternelle. C’était d’ailleurs elle, qui lui avait donné le goût de la lecture. Puis, de fil en aiguille, il s’était mis à écrire. Rien de transcendant, mais assez pour l’aider à évacuer le trop plein qui encrassait son esprit.   « C’ma belle-sœur. » Loin d’être une justification, Rylan avait juste lâché cette information comme une banalité.

Un soupir s'échappe des lèvres d'Ariane. Il insiste encore, c'est l'inquisition, visiblement il veut avoir les tenants et aboutissants. Difficile pour elle de s'imaginer lui raconter à quel point ses délires de jalousie peuvent partir loin - même si pour cette fois, elle n'avait pas tout à fait tort. Tout de même, elle devrait décrocher. Jennie avait raison la dernière fois - plutôt se couper une main que de l'admettre par contre - en disant qu'elle devenait pathétique à ne pas simplement lâcher prise. Elle passe une main sur son visage, décontenancée. Elle n'a pas vraiment le temps de réfléchir à une réponse adéquate, que Rylan lui apprend que Jennie est sa belle-soeur. Comme ça. Sa mâchoire se décroche légèrement. Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Aux dernières nouvelles, Jennie s'est séparé de Brody, et de toutes manières Rylan ne fait pas partie de la fratrie Lloyd. Ou alors Ariane est vraiment maudite. Hein ? Pour une femme qui maîtrise les mots, elle aurait pu mieux faire mais c'est tout ce qui passe la barrière de ses lèvres. Elle fronce les sourcils dans sa réflexion. Ta belle-soeur ? Elle répète les mots du jeune homme avec un rire nerveux. Non mais décidément.

Stupéfaction. Du moins, c’est ce qu’il décryptait en observant ses traits. « ça t’étonne ? »   En réalité, il pouvait définitivement dire que Jennie était son ex belle-sœur, étant donné que son frère était décédé.  Néanmoins, aux yeux de sa famille, elle était toujours ‘’la femme’’ à Jared. Bien qu’elle en pinçait pour Wade. Histoire compliqué. Appuyant l’arrière de sa tête sur une étagère, le blond laissait courir ses topazes sur la brune. « T’as pas répondu à ma question. En quoi c’est compliqué ? » Curiosité mal placée. D’après ses réactions, il pourrait presque croire qu’entre elle deux, c’était loin d’être une affaire de voisinage. « Laisse tomber, ça m’regarde pas. » Se redressant, Rylan relevait le livre devant lui. « Je vais t’payer ça. »

Si ça l'étonne ? Certainement. Non pas qu'elle soit experte ès relations de Jennie Kendall, mais elle n'arrive pas à relier Rylan à qui que ce soit. J'la croyais de nouveau célibataire. Voix posée, qui ne parvient clairement pas à masquer ses interrogations. Une moue légèrement agacée se dessine sur son visage alors que Rylan continue de la cuisiner. Pas agacée contre lui, plutôt contre elle-même. Elle réagit trop, se fait une montagne de tout, et malgré tous ses efforts, n'arrive pas à contrôler ses émotions. Un soupir de soulagement lui échappe quand il décide gracieusement de changer de sujet, et elle lui offre un sourire reconnaissant. Non je te l'offre, cadeau de bonne année ! Elle désigne d'un signe de tête le percolateur qui trône un peu plus loin. Tu veux un café ? Un thé ? Sa pause déjeûner y passera peut-être, mais ça lui fait plaisir. Elle pourra toujours avaler un muffin si jamais, sa patronne ne lui en voudra pas.

Explique toi. Bien sûr, sa Jennie avait été avec un autre gars. Un gars qui était tout sauf Wade. « C’est l’cas, mais avant ça, elle était mariée avec mon frère. » La considérer comme étant toujours sa belle-sœur, était un indice flagrant sur le fait qu’il avait du mal à s’y faire. A se dire que son frère était mort. Regard qui dérive. Pris d’une curiosité malsaine, Rylan avait tenté de savoir quelle était le lien entre Ariane et la mère de son neveu, mais visiblement, la brune ne comptait pas le lui dire. Aussi, il préférait dévier le sujet. « T’es pas obligé.. » Gêné, le blond jetait un coup d’œil à l’objet livre. « Un café c’parfait. » Pause. « Dans c’cas, la prochaine fois, qu’on s’voit, je t’emmène boire un verre. » Sérieusement, pourquoi est-ce qu’il avait dit ça ? Elle allait le prendre pour un de ses mecs lourds. Ceux qui profitent d’une brèche pour s’y engouffrer.

Elle se sent idiote après avoir assimilé la réponse. Elle était mariée avec mon frère. A l'époque où elle était avec Brody, Ariane avait su que Jennie était veuve. Ce qui signifiait que Rylan avait perdu son frère. Elle pensa brièvement à sa soeur, à l'effroyable peine que lui causerait sa disparition et ferma les yeux un instant. Je suis désolée... Désolée pour sa perte, d'avoir évoquer le sujet, désolée de s'apesantir sur ses petits problèmes de coeurs, qui n'étaient même plus d'actualité, alors qu'il avait vécu ça. Ca me fait plaisir. Petite voix douce qui se voudrait appaisante. Elle hoche la tête et fait couler deux tasses. Elle est dos à lui, en train de s'occuper des cafés, quand il lui dit que la prochaine fois il l'invite. Il loupe le petit sourire qui s'impose à ses lèvres malgré elle et prend un air plus neutre en se retournant. Marché conclu. Tu pourras me dire ce que tu as pensé du bouquin ! Oui Ariane bien sûr, parce que tout ce que tu veux faire avec lui c'est parler littérature.

Désolé. C’est ce qu’il avait l’habitude d’entendre. Pourquoi ?Pourquoi les gens s’évertuaient à vouloir s’excuser pour quelque chose dont ils n’étaient pas responsable ? Pour prendre part à ta peine. C’est ce qu’il avait vu dans une série sur Netflix. Et lui qui avait d’abord ricané en entendant ses mots, avaient finir par en saisir le sens. « Hm. » Sourire en coin. Il se dépêchait de passer vite à autre chose. Lui tournant le dos, la brune s’approchait de la cafetière pour faire couler le café. Lui faisant à nouveau face, Ariane acceptait sa proposition d’aller boire un verre. « T’as ton portable ? » Prenant la tasse qu’elle lui tendait, il la remerciait, avant de reprendre : « Pour qu’je puisse te laisser mon numéro. »

Well, that escalated quickly. D'une conversation à marcher sur des oeufs pour ne pas raviver de mauvaises choses, ils étaient passé à une invitation à sortir. La vie est faite de surprise, ce n'est pas Ariane qui dira le contraire. Elle se demande s'il ne se sent pas obligé, peut-être que c'est juste de la politesse, peut-être qu'il ne savait plus quoi dire. Ariane dans toute sa splendeur. Elle lui tend une tasse de café et porte l'autre à ses lèvres pour en boire une gorgée. C'est brûlant, elle grimace légèrement et la repose sur le comptoir. Classy girl. Elle sort son téléphone de sa poche, se disant que dans tous les cas, s'il change d'avis ou n'avait pas réellement l'intention de l'emmener boire un verre, rien ne l'obligera à lui envoyer un message. Elle le déverouille et le lui tend. Tiens. Et ne peut s'empêcher d'ajouter, sur le ton de la plaisanterie. Tu donnes souvent ton numéro dans des librairies ?