J'ignore ta remarque ou même tes gestes, me concentre simplement sur ta guitare et les accords que j'arrive à en tirer. Je grimace en peu en réalisant qu'elle n'est même pas bien accordé et remédie rapidement à la situation avant de reprendre. Toi, tu t'installes au bureau non loin, me tournant le dos. J'peux pas voir c'que tu fais ni ton expression, mais tant pis. Je laisse mes doigts décider des notes à jouer, mon esprit en sourdine le temps d'une chanson. Au bout d'un moment, je laisse ma voix emplir l'espace qui nous entoure, dissiper un peu la lourdeur du moment. Hold the day. Make it through and fall into the light. All the way. A carnival of causes and delight..

La mine de son crayon glisse à une vitesse impressionnante sur la feuille. Ils sont toujours deux dans la même pièce, mais il s'est comme enfermé dans une bulle. Personne ne semble pouvoir y entrer et il ne fait plus attention à l'environnement autour de lui. Une silhouette à genoux prend forme sur la feuille. On ne distingue pas son visage, il fait tout pour rester dans le flou. A cela il rajoute un mouvement. La silhouette se tient la tête d'une main. Rien que cette esquisse respire la tristesse. Il s'apprête à attaquer les contours, le lieu dans lequel elle se trouve quand il manque déraper sur la feuille. A cause d'une voix qui lui rappelle qu'il n'est pas seul et que les accords de guitare sont bien en direct. Il abandonne son dessin, pivote sur sa chaise et laisse glisser son regard sur lui. Non seulement il joue bien, mais en plus il ne chante pas faux. Silencieux, il le laisse continuer, comme hypnotisé par sa voix. Il ne percute même pas que, tout comme le dessin, ça a un effet calmant sur ses nerfs. Il en oublie même que le téléphone peut sonner à tout moment, en provenance de l'hôpital.

Je relève les yeux sur toi lorsque ta chaise pivote, ne m'arrêtant pas pour autant de jouer ou de chanter. Because we can't become victim of a sum, cradle our desire.. To keep from drowning. Un coup d'oeil à la guitare pour poursuivre les accords, elle sonne largement mieux sur une électrique et des percussions, mais j'fais avec c'que j'ai. For all we know and all we've shown, crazy our survival.. To keep from drowning. Je te regarde à nouveau, plongeant mon regard dans le tient. To keep from drowning. To keep from drowning. To keep from drowning. Heeeyy.

Crayon en suspend dans sa main droite. Il écoute. Sans remarque, sans volonté d'interruption. Leurs regards se croisent, s'accrochent, ne se quittent pas. C'est comme un moment intime que l'on partage sans que ça ne le soit vraiment. Il le laisse poursuivre, terminer. Et quand la chanson se termine, ses lèvres s'ouvrent. Pour se refermer aussitôt. Il se passera de ses commentaires pour une fois. Qu'il apprécie ce moment. Sans un mot, il pivote de nouveau sur sa chaise et retourne griffonner. Il avait imaginé une forêt autour de sa silhouette. Finalement c'est de l'eau qui prend forme sous les traits d'un lac en arrière plan. Peut-être une influence directe en provenance des paroles. Peut-être que son croquis en dit davantage sur sa propre personnalité. Il ne préfère pas se poser de question sur le sujet. Il serait un bien piètre juge de sa personne.

La chanson se termine et je laisse les notes flotter et s'éteindre comme une chandelle qu'on laisse mourir d'elle-même. Tu sembles vouloir dire quelque chose, mais te ravise au dernier moment, te retournant plutôt vers ton bureau pour continuer c'que t'y faisais avant d'm'écouter activement jouer. Je dépose la guitare au sol et me relève, faisant quelques pas pour venir derrière toi. Je zieute par-dessus ton épaule et vois ce dessin qui m'fais pratiquement mal à regarder. Je tends le bras pour récupérer la bouteille de whisky et en boire à mon tour une rasade. Douce brûlure. T'es un sacré artiste, j'aurais pas pu deviner. Non pas que ce soit difficile à croire en fait. Je ne commente pas cependant, imaginant que tu n'aimerais pas que je le fasse, que mes commentaires soient positifs, négatifs ou constructifs. Hésitant, je lève la main pour venir toucher ton épaule, mais me ravise à la dernière seconde.

Le crayon danse sur la feuille. La musique résonne encore dans sa tête. Il entend un mouvement dans son dos mais ne se retourne pas. Pourtant il la sent. Sa présence par dessus son épaule. Il regarde ce qu'il dessine et lui ne cherche pas à le cacher. Un bras entre dans son champ de vision pour récupérer la bouteille d'alcool. Son dessin avance toujours à une allure folle. Il ne prend jamais le temps de réfléchir quand il dessine. Il se laisse porter. Il rectifie les traits sans jamais rien effacer. Pourquoi tu dis que t'es pas gay ? Enfin il se décide à sortir de son silence, sans pour autant se retourner. Le crayon s'arrête quelques secondes. J'suis quasi sûr à 100% que t'as dû baiser avec plein de gars. Donc, il ne comprend pas. Sauf s'il se plante complètement sur lui. Ce qu'il ne croit pas. Lui peut continuer à affirmer qu'il n'est pas gay. Hormis le peu qu'il s'est passé entre eux, il n'y a rien eu. Mais Duncan... Le crayon reprend sa danse, en attendant qu'une réponse arrive.

Tu ne te retournes pas pour poser cette question le plus naturellement du monde, mais si tu voyais mon expression, tu comprendrais que je n'ai pas de réponse pour toi. Mon visage fermé, je fixe ton dessin sans savoir quoi dire. J'le suis pas, gay, mais j'suis certainement pas hétéro non plus. Ton autre remarque me frappe plus fort que n'importe lequel de tes coups de poings. Tu vois pas le mal que tu m'fais. Je prends une nouvelle gorgée de whisky et hoche la tête, plus pour moi-même qu'autre chose vraiment. What about you, mh? You keep saying you're not gay, yet you keep kissing me. Miroir. Pour ne pas avoir à répondre. Pour me cacher derrière cette attaque.

Sa question semble comme flotter dans l'air car la réponse ne vient pas immédiatement. A moitié plongé dans son monde, il continue de dessiner. La bouteille de whisky a l'air de connaître un triste sort. Quand les morts finissent enfin par sortir, ce n'est pas ce qu'il espérait. Plutôt que de lui répondre, il renvoie sur lui. Ses doigts se crispent brutalement, cassant le crayon en deux.Il le lâche, le laissant mourir sur la feuille. On pourra pas dire que j'ai pas tenté d'avoir une vraie discussion avec toi. Il abandonne son dessin et fait de nouveau pivoter son siège pour lui faire face. Je ne le suis pas, et j'assume pas ces baisers. Il n'assume pas ceux qu'ils ont échangé, mais se garde bien de dire qu'il pourrait recommencer. J'vais pas faire l'autruche comme toi. J'assume tellement pas que j'aurais dû être dans un avion quand l'hosto a appelé. De ces mots, qu'il tire ses propres conclusions. Il comptait fuir, et à la place, il se retrouve bloqué chez lui, avec l'objet de sa fuite juste en face. C'est Wade qui serait content des efforts qu'il fait. Comme quoi ce qu'il lui a dit n'a pas fini complètement dans le vent puisqu'il a enfin lâché quelques bribes à celui directement concerné. Mais ce sont sûrement des mots de trop. Car à peine les a-t-il prononcé qu'il pivote de nouveau vers le bureau. Il récupère le dessin quasi achevé et le froisse pour en faire une boule de papier. Tout est éphémère après tout, ses créations davantage que les autres. Je réitère ce que j't'ai dit plus tôt. Tu peux te tirer Duncan, ça ira.

Le crayon casse dans tes mains et je sursaute subtilement, mes épaules bougeant légèrement. Apparemment, te retourner la question n'était pas une chose à faire. On pourra pas dire que j'ai pas tenté d'avoir une vraie discussion avec toi. Je ne l'avais même pas vu sous cet angle. Toi qui exprimais donc une simple curiosité, je l'avais plutôt vu comme une énième attaque. Surprenant? Pas vraiment. Ton honnêteté est malgré tout déconcertante. Tu ne l'es pas et n'assumes pas non plus. On est deux comme ça... enfin, je n'assume pas de révéler publiquement mon attirance, toi, tu ne l'assumes pas, point. Quelle belle paire. J'vais pas faire l'autruche comme toi. J'assume tellement pas que j'aurais dû être dans un avion quand l'hosto a appelé. Tu ne fais peut-être pas l'autruche face à la question, mais partir d'ici, carrément? Je recule d'un pas même si tu te retournes vers ton bureau. What do you mean? You were just gonna skip town in hopes to never see me again? J'voudrais rire, mais j'trouve pas l'humour en moi. Blessé? Curieux aussi. Nah. I'm not leaving till you explain to me what the hell's going on. Bras croisés sur mon torse, je tiens toujours la bouteille de whisky comme si elle était à moi.

Haussement d'épaules. Il ne voit aucun intérêt à répondre à sa question. C'est tout de même lui qui a fait l'effort de tomber le masque pour parler sérieusement. Pour quel résultat ? Il a fait l'autruche et lui a retourné la question plutôt que d'y répondre. Alors que la réponse l'aurait peut-être aidé à y voir plus clair, ou au moins lui donner des éléments de pistes à explorer. Lui le voyait ainsi. L'autre ne l'a pas compris. Fin de la discussion, il peut partir, ils n'ont plus rien à se dire. La brèche ouverte se referme même s'il ne semble pas l'entendre de cette oreille. Il jette un coup d’œil par dessus son épaule pour le regarder, bouteille en main, et bras croisés. J'espère que tu n'es pas pressé alors. Car ce n'est pas prêt d'arriver. Lueur de défi dans le regard. Le dernier à s'y être risqué, c'est Wade. Et ils ont passé un nombre interminable d'heures dans le cimetière avant qu'il ne se décide à bouger. Il l'a fait une fois, il est prêt à le refaire. Pas certain que Duncan ait la patience de Wade soit dit au passage.

T'es probablement le mec le plus exaspérant que j'ai encore jamais rencontré. J'comprends définitivement pas c'que j'fou encore ici et pourtant, mes pieds ne font pas mine de vouloir bouger. Je rage intérieurement, mais ne laisse pas trop transparaitre mon envie de te foutre mon poing dans la mâchoire -ça te ferait bien trop plaisir. Victoire que tu n'obtiendras pas. Je me passe une main sur le visage en soupirant, laissant mes doigts trainer dans ma barbe. Listen man, I'm not here to be a pain in the ass to you ok? I just figured you'd need company and maybe I was wrong... but for a minute there, while I was playing, I'm pretty sure I managed to get your mind off of things, didn't I?

Lui avoir besoin de compagnie. C'est bien mal le connaître. Ce n'est donc pas peut-être mais sûrement qu'il se plante. Maintenant qu'il a fait ce constat, il va peut-être enfin se décider à partir. Mais... Mais jamais il n'arrête de parler une fois qu'il est lancé ? Ce n'est pas possible ! Le pire, c'est qu'il fait mouche. Il se retourne et se lève pour lui faire face. Il l'exaspère. Il n'y a pas d'autre mot. Il se rapproche. Si je te dis que t'y es arrivé, tu considèreras que t'as fait ta bonne action de la soirée et tu te tireras ? Car pour quelle autre raison est-il encore là ? Une discussion sérieuse, ce n'est pas bon. Se foutre de sa gueule non plus. Lui demander de partir fonctionne encore moins. Le repousser, n'en parlons pas. Alors quelle autre solution il lui reste ? Deux lui traversent l'esprit. Il ne sait pas pourquoi il met la première de côté. Alors c'est la seconde qui se révèle et son bras se met en mouvement alors que ses doigts se referment. Il ne l'aura pas volé celle là.

Je secoue la tête en lâchant un rire sans humour, sec, froid. You're only saying that to get rid of me. Et peut-être qu'il serait temps que je comprenne le message. Que je foute le camp d'ici et te laisse à ta triste solitude, à tes idées stupides de foutre le camp parce que, clairement, Edenton est trop petit pour nous deux. Mais j'y arrive tout simplement pas. Au même titre que t'arrives pas à rester, moi, j'arrive pas à partir. De nouveau debout face à moi, j'le vois pas venir ce coup de poing qui me fait tourner la tête et presque échapper le whisky. Je me détourne légèrement, laisse tomber la bouteille sur le canapé et passe mon pouce sur ma lèvre. Enculé, tu me l'as fendu. Je regarde brièvement le sang sur mon doigt et relève un regard sombre sur toi. Tu veux qu'on se mette sur la gueule? Parfait. J'utilise le poids de mon corps que j'envoie dans mon crochet de gauche -mon bon crochet-, visage directement ta mâchoire.

Effectivement il le dira pour se débarrasser de lui. Mais pas seulement. Car derrière, il y a une part de vérité qu'il ne peut nier. Quand il a joué et chanté, ses maux se sont mis en pause. Cela a été de courte durée certes, mais c'était bien réel. Peut-être que ça n'a fait que retenir pour mieux relâcher plus tard, comme à présent que son poing est parti. Il n'a pas contrôlé. Mais c'était soit le frapper, soit l'embrasser. Il a choisi l'option la moins dérangeante pour lui. Ses doigts ne sont pas trop d'accord vu la violence du coup mais tant pis. Cela ne l'a même pas soulagé. Le coup qu'il se prend en retour ne le soulage pas davantage. Sa tête pivote sous la violence. Il vacille, recule et se rattrape au bureau. Vu comme ça le lance déjà, il devine qu'il va lui rester une belle marque. Il ne sait pas si le goût en bouche est celui du sang. Il glisse un doigt entre ses lèvres mais non. Ce n'est pas du sang. Faut croire qu'il est plus résistant qu'il n'y parait même s'il déteste cette impression. Et à présent qu'ils en sont à un coup chacun, place à la deuxième salve ? Il le regarde du coin de l’œil. Il n'a pas envie d'y retourner. Cette violence c'était pour lui faire oublier cette envie de l'embrasser. ça a presque fonctionné. Il est concentré sur sa main qu'il secoue légèrement pour faire passer la douleur. Puis sur sa mâchoire qu'il tâte du bout des doigts. Continue, te gêne pas. Invitation à réitérer. C'est ce qu'il cherche depuis pas mal de temps, depuis tellement d'années.

Ma respiration s'est accélérée avec la testostérone qui cours rapidement dans mon système. Exaltant. J'aurais presque envie de rire à nouveau, mais j'suis sérieux comme un mort alors que je te regarde toujours d'un regard voilé de frustration. Tu te redresses et, bien évidemment, m'encourage à réitérer. Cette fois, je n'y songe même pas à deux fois. Depuis qu'on s'est rencontré, c'est tout c'que tu veux et j'vais certainement pas continuer de me désister après un coup. Fine. Je t'attrape rapidement par le col et te balance à nouveau mon poing dans la figure, rencontrant ton nez cette fois avant de t'en foutre un dans le ventre et de te lâcher alors que ton corps se plis de lui-même en deux.