Lorsqu'on arrive chez moi, quelques minutes plus tard, la pluie ne s'est pas vraiment calmée. J'attrape la main d'Austin et on court jusqu'au petit porche qui surplombe ma porte d'entrée. Pendant que je sors mes clés, j'essaie de me rappeler dans quel état j'ai laissé la maison ce matin. Je ne suis normalement pas quelqu'un de bordélique, mais il peut m'arriver de laisser des vêtements traîner quand je suis pressée. Ce matin, il me semble que je suis partie dans les temps, donc ça devrait être rangé.
J'invite Austin à entrer et je ferme la porte derrière nous avant d'appuyer sur l'interrupteur pour éclairer la pièce principale : salon à droite, cuisine ouverte à gauche. Ce n'est pas très grand, mais au moins c'est en bon état. Rapidement, un miaulement nous accueille, et je vois mon petit chat qui s'approche prudemment. Je me baisse pour le prendre dans mes bras. Il tend alors le museau dans la direction d'Austin, c'est un petit curieux.

« Dis bonjour, Klonoa ! »

Il émet un autre petit miaulement qui me fait rire. J'avance dans la pièce et pose le chaton sur le dossier du canapé, puis je me retourne vers mon invité.

« Il faut que j'aille me changer, je fais vite. Fais comme chez toi, dis-je en désignant la pièce. »

Je lui souris et, de retour à côté de lui pour reprendre mon sac que j'avais posé sur le comptoir, je me hisse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Et je file dans ma chambre. J'enlève rapidement mes vêtements mouillés et les balance dans un coin de la pièce. Je suis vraiment frigorifiée. J'avais réussi à ne pas y penser quand j'étais dans la voiture d'Austin, mais repasser sous la pluie m'a bien rappeler pourquoi je voulais rentrer chez moi. Je sors des vêtements un peu chaud et puis je me stoppe. Le dilemme ! Je peux pas m'habiller comme quand je traîne à la maison, mais si je m'apprête trop ça va être bizarre... Je me mets à fouiller rapidement.

En quelques minutes, nous sommes déjà arrivé chez Poppy. Il pleut encore des cordes, alors on se dépêche en sortant de la voiture. Poppy me prend la main et on cour jusqu'à la porte. J'ai un petit stress, sans le vouloir. J'imagine que c'est normal, après tout ce temps. C'est un peu comme un rendez-vous, ce soir. De dernière minute, ce n'était pas dans les plans. Je ne m'attendais pas du tout à la voir, ce soir. Alors je m'attendais encore moins à aller chez elle.

En rentrant, je me rends compte que sous mon manteau, j'ai toujours mon uniforme tout taché du travail. Je n'ai même pas de vêtements de rechange dans la voiture. Avoir su, je me serais préparé un petit sac avec des vêtements propres. On entre, et Poppy dit qu'elle va se changer. La chanceuse, je voudrais bien me changer moi aussi. Je profite du moment qu'elle sort de la pièce pour me rendre à la cuisine, je prends un linge dans le tiroir et j'essaie de nettoyer un peu mon tablier. Je veux faire vite, mais comme j'ai beaucoup de chance (faux), je me retrouve aspergé d'eau. Je n'ai pas réussi à enlever les taches de sauce, et en plus, je me retrouve avec le tablier trempé. Bravo, Austin. Au même moment, Poppy arrive. "Je sais pas ce qui s'est passé... je voulais juste nettoyer un peu mon tablier, et puis..." J'ai vraiment l'air con. Sous mon tablier, j'ai un t shirt blanc encore plus sale. Et puis j'ai tellement eu chaud, qu'il y a des traces de sueur partout. C'est pas du tout comment j'aurais voulu avoir l'air pour nos retrouvailles.

Je ne me laisse pas plus de deux minutes pour décider quoi mettre. Je n'ai pas envie de le laisser trop longtemps tout seul dans le salon. Je finis par enfiler un pantalon noir et un pull rose pâle et m'attaque à mes cheveux qui n'ont pas vraiment aimé la pluie. Je les attache et m'arrête un instant devant mon reflet. Bon, j'ai moins l'air d'un chien mouillé, c'est déjà ça. Je ne garde pas de maquillage dans ma chambre, heureusement, comme ça je ne suis pas tentée d'en remettre. Comme je n'en mets pas beaucoup, je suis encore un peu malhabile alors ça me prend parfois du temps.
Avant de sortir, je remets mon téléphone à charger. Finalement, ça n'a pas été une mauvaise chose de ne plus avoir de batterie. Je le tapote gentiment pour le remercier et j'allais sortir quand j'aperçois mon paquet de cigarette du coin de l’œil. J'hésite, mais je me connais, si je laisse simplement aller, je suis bonne pour une nouvelle nuit blanche. Je le prends donc, ainsi que mon briquet, et je ressors de ma chambre.

En arrivant dans la cuisine, je trouve Austin devant l'évier. Il a l'air tout penaud. Je lui adresse un sourire amusé et compatissant quand il m'explique pourquoi son tablier est trempé.

« C'est pas grave. Hum... Je dors avec des t-shirts trop grands de plusieurs tailles, je dois pouvoir en trouver un qui t'irait si tu veux te changer. »

Je comprends que ce n'est pas très agréable de garder ses vêtements dans lesquels on a travaillé toute la journée, et encore plus quand il s'agit d'un uniforme. Et puis je dois bien avoir cinq ou six t-shirts masculins dans mon armoire, je trouve ça plus confortable pour dormir que des pyjamas.
Je pose mes cigarettes sur le comptoir, lui fais signe de m'attendre et je retourne dans ma chambre pour attraper un t-shirt. J'en trouve rapidement un simple et le lui rapporte.

« Tu peux aller te changer dans la salle de bain, dis-je en désignant une porte à côté de celle qui mène à ma chambre. »

Je me sens un peu ridicule, là, en ce moment. Poppy est revenue, et elle s'est changée. Des vêtements propres, et elle s'est même attachée les cheveux. Elle est tellement belle, et moi j'ai l'air de... de rien en fait. Elle doit vraiment se dire que je suis maladroit, et peut-être même est-elle entrain de me juger? Poppy doit se dire que même après deux ans, j'ai toujours tendance à collectionner les malheurs. Pauvre petit Austin, qui se ridiculise devant sa petite amie. Est-ce qu'elle est ma petite amie? On n'a pas vraiment discuté, et après ce qui vient d'arriver, aura-t-elle envie que je sois son petit ami? Je me met à angoisser, à me sentir mal, mais heureusement, au final, elle réagit quand même assez bien. Je sens qu'elle trouve ça drôle, en fait. Alors, elle risque de m'en parler longtemps, de ce petit incident. Elle dit avoir quelques t-shirts pour garçons. Qu'elle met pour dormir. C'est parfait, je vais pouvoir me changer. Elle va à sa chambre et revient quelques instants plus tard avec un t-shirt. "Merci, je vais vite me changer alors." dis-je en me rendant à la salle de bain. Je fais vite, car j'ai pas envie de la faire attendre.

Je la retrouve dans le salon 2 minutes plus tard, je me sens un peu plus confiant. "C'est vraiment joli, chez toi." Elle est installée ici depuis plusieurs mois, je crois. C'est bien décoré, en tout cas, bien mieux que dans mon petit chez moi. J'ai jamais été bien doué pour la déco, ça toujours été le domaine de ma mère. Donc ma chambre est très neutre, avec un lit, une commode et c'est à peu près tout. Je viens juste de déménager, alors je me laisse le temps de m'installer tranquillement. Déjà que le loyer est cher, donc j'ai pas énormément d'argent après avoir payé le loyer chaque mois. Heureusement je peux ramener de la nourriture du resto, sans payer à chaque fois.

Austin me remercie et part dans la salle de bain. Le pauvre, il n'a pas de chance. Mais j'avoue que je suis pareille, alors ce n'est pas vraiment mon genre de me moquer. En plus, la première fois qu'on s'est croisés, je me suis étalée sur le sol après l'avoir bousculé parce que je regardais pas où j'allais. Pas très glorieux, même s'il a été charmant, comme toujours.
Je récupère mes cigarettes et me dirige vers le salon, je m'installe près de la fenêtre et l'entrouvre avant d'allumer une cigarette. J'inspire doucement et soupire longuement, je sens que je suis tendue. Autant à cause de la présence d'Austin chez moi – ce que je n'aurais jamais imaginé – mais aussi à cause de mes deux dernières nuits presque blanches. Je tiens un peu sur mes nerfs actuellement. Il faut que je me calme, tant qu'il est près de moi je n'y pense pas... on avisera ensuite.

Austin revient, mon t-shirt a l'air de lui aller. Il me complimente sur la décoration, je souris.

« Merci. La plupart c'est des affaires que j'avais avant la... Je me mords la lèvre. Avant de déménager ici. »

Je n'ai pas acheté grand chose pour décorer la maison, je n'en avais pas besoin. J'avais même tellement de choses que j'ai dû en vendre une partie qui m'aurait plus encombré qu'autre chose. Peut-être que je changerai des petits objets par-ci par-là, avec le temps. Mais il y a encore certaines choses dont je ne peux pas me séparer, elles me rappellent trop maman.
Mais je ne veux pas penser à ça maintenant, j'aurai tout le temps quand je serai toute seule.

« C'est un peu petit, continue-je. Mais bon, pour moi toute seule ça suffit. Je passe tellement de temps sur mon ordinateur, j'ai pas besoin de grand-chose. »

Je ris doucement et tire encore une fois sur ma cigarette. Oui, entre l'ordinateur et les consoles, j'ai tout ce qu'il me faut. Et si j'avais une pièce supplémentaire, je ne sais pas ce que j'en ferais, à part y mettre du bazar.

J'apprivoise un peu les lieux, je me dis que je risque de passer beaucoup de temps ici. Si tout se passe bien, elle m'invitera à nouveau, peut-être même pour la nuit? Je ne veux pas trop m'emballer, mais j'avoue que j'ai bien hâte de passer la nuit ici, avec elle. Peut-être pas ce soir, mais bientôt. Quand elle voudra, je ne vais pas presser les choses. Après lui avoir dit que c'était une belle déco, elle m'explique que c'était surtout des choses qu'elle avait chez elle avant de déménager. Quand même, son déménagement était donc organisé. Pas comme le mien, où j'ai juste rempli une grosse valise et mis tous mes objets importants dans une boîte et hop dans la voiture. La première semaine, je dormais sur un matelas gonflable, le genre de matelas qu'on apporte en camping. Puis, dès que j'ai eu une première paie, je suis allé m'acheter un vrai matelas. J'ai fait le tour des brocantes pour le reste de mes meubles. Je m'assois sur le divan, et le chat (Klonoa, je crois), vient sur moi, il ronronne. J'aime bien les chats, ils sont tranquille, indépendants et nous apporte l'affection qu'on demande. J'en aurai peut-être un jour, quand je serai plus stable financièrement. "Ça sert à rien d'avoir trop grand, on fini par se perdre..." dis-je alors qu'elle allume sa cigarette. Poppy est une fumeuse et en temps normal, je n'aime pas les gens qui fument, mais Poppy elle pourrait faire n'importe quoi et je l'aimerais quand même.

"Finalement, je suis content qu'on soit venu chez toi plutôt que chez moi. Disons que ma déco n'est pas autant au top que la tienne..." Je pense pas que Poppy se mettrait à juger chaque centimètre de ma demeure, mais quand même. C'est surtout le bordel, les trucs qui trainent un peu partout... "Mais je te promets, bientôt je te ferai visiter le château Kenecky" je rigole, bien sûr, dans le sens que c'est loin d'être un château.

Je regarde Klonoa s'approcher d'Austin. Cela me surprend un petit peu, même s'il est curieux, il a plutôt tendance à aller se cacher quand quelqu'un frappe à la porte et à observer de loin. C'est un chaton affectueux, cela dit, il est souvent collé à moi.
Je souris à ce qu'Austin me dit. Il faut dire que je suis installée depuis plus longtemps que lui, je crois qu'après trois semaines j'étais encore dans les cartons même si les meubles étaient placés. J'ai mis du temps à trouver le courage de tout sortir. Et il me promet de m'inviter chez lui. La perspective fait battre un peu plus fort mon cœur, la perspective de nous revoir, de prévoir un avenir, même quelque chose d'aussi simple.

« D'accord, je note, réponds-je en souriant. »

Je termine rapidement ma cigarette et referme la fenêtre, avant de venir m'asseoir à côté d'Austin sur le canapé. Les pieds sous les fesses, je suis tournée vers lui. Klonoa lève la tête vers moi un instant, il ronronne tellement fort que je l'entends.

« D'habitude, il est un peu peureux avec les gens qu'il n'a jamais vu. Mais on dirait qu'il t'a adopté. »

Je fais une caresse sur la tête sur chaton avant de reposer ma main sur ma cuisse. Ou peut-être qu'il n'est pas peureux, mais qu'il sent mon anxiété quand quelqu'un frappe à la porte alors que je n'attends personne – et je m'attends rarement à de la visite, j'avoue. Du coup, cette fois, il doit sentir que je suis à l'aise en présence d'Austin, ça le rassure peut-être.
Je sens alors mon estomac se mettre à gronder. C'est vrai que je n'ai rien avalé depuis le matin, ça doit aussi expliquer ma fatigue, en partie. Je pose ma tête sur le canapé, espérant qu'Austin ne m'a pas entendue. Je lève les yeux vers lui :

« Dis, tu as faim ? Je commande une pizza ? »

Je ne sais pas vraiment ce que j'ai dans mes placards et mon frigo. Je dois bien avoir de quoi grignoter vite fait – ce qui me convient habituellement – mais sans doute pas assez pour cuisiner un repas pour deux.

Je trouve ça chouette que Poppy ait sa petite maison à elle, avec son chat. Je suis heureux pour elle, qu'elle soit bien installée. J'ai hâte d'être moi-même aussi bien installé, mais je me dis que ça sert à rien de se presser. Le petit chat de Poppy vient se coller à moi, et elle m'explique son étonnement, car il n'est pas souvent comme ça avec les inconnus. Je me sens donc d'autant plus chanceux, ça veut dire que son chaton m'a accepté. C'est bon signe, non? "Et bien, tant mieux alors!" dis-je en le flattant doucement.

Puis, Poppy me propose de commander une pizza. J'avoue que j'ai faim moi aussi. Je n'ai pas mangé depuis des heures. Et la pizza, c'est toujours bon. "Oui, bonne idée!" Ce sera donc un peu comme une première "date", même si on ne sera pas au restaurant, on mangera ensemble, tous les deux. "Tu prends quelle sorte de pizza normalement?" Il y a beaucoup de choses que j'ai retenu de Poppy, mais certaines choses comme sa sorte de pizza préférée, non je ne m'en souviens pas. Avons-nous déjà mangé de la pizza? Je ne sais plus. Moi de mon côté, j'aime tout, donc je suis pas difficile du tout. "T'as déjà fait de la pizza maison? Je te propose pas d'en faire ce soir, mais un soir on pourrait en faire, si tu veux." C'est le genre d'activités chouette à faire. Je cuisine rarement, mais par contre, les pâtes à pizza, c'est ma force.

Bon, apparemment je ne suis pas la seule à avoir faim, et ce n'est pas si étonnant vu l'heure. Je suis contente que l'on puisse manger ensemble, comme ça je sais qu'il va rester un petit moment avec moi. C'est encore un peu délicat. Dans la voiture nous étions près l'un de l'autre, dans un endroit exigu, j'ai l'impression que c'était plus simple de se toucher. Là, je n'ose même pas attraper sa main, ou poser ma tête sur son épaule comme tout à l'heure.
Austin me demande quel genre de pizza j'ai l'habitude de prendre.

« Généralement, je prends une regina ou une margherita. Mais j'aime un peu tout, je suis pas difficile avec les pizzas. »

Je souris. En fait, je suis plutôt gourmande. Non seulement j'aime des choses assez variées, mais j'aime bien aussi découvrir de nouvelles recettes, c'est toujours sympa. Si j'étais moins maladroite, j'aurais peut-être voulu devenir cuisinière. Mais non seulement je gère assez mal la pression, mais en plus je serais bien foutue de me couper un doigt dès le premier jour.
La seconde question d'Austin me surprend un peu.

« Non, j'en ai jamais fait. Je suis pas très douée pour cuisiner du salé, avoue-je en riant. Je me débrouille mieux avec les desserts. Mais, oui, ce serait sympa à faire. »

Je me lève finalement pour aller prendre le téléphone fixe sur le comptoir qui sépare la cuisine et le salon. Mon portable ne sera pas opérationnel avant deux bonnes heures, il date un peu et la batterie commence à me lâcher régulièrement, quand elle ne refuse pas purement et simplement de se recharger. Par contre, le numéro de la pizzeria est enregistré dans le répertoire, je devrais peut-être y commander moins souvent.

« Qu'est-ce que tu préfères comme pizza ? »

J'attrape le combiné, mais il m'échappe et glisse de l'autre côté, sur le plan de travail à une vingtaine de centimètres plus bas. Je me penche donc sur le comptoir pour pouvoir le récupérer.

C'est vraiment la première fois de ma vie que je dois littéralement travailler pour obtenir ce que je veux. Avant, je n'avais qu'à demander à mes parents et sans plus d'efforts, je l'avais. Bon, ça dépendait toujours de mes notes, de mes comportements, mais la plupart du temps, je l'obtenait. Je me compte chanceux et très privilégié d'avoir une enfance ainsi. Pour la première fois de ma vie, je dois gérer mon argent, et ce n'est pas toujours facile. Poppy propose la pizza, je lui demande quelle sorte elle préfère. Regina et margherita. "Je ne suis pas très difficile pour les pizzas alors..." mes parents ont toujours détesté les champignons alors ce n'était pas cette sorte de pizza qu'on prenait lors des rares vendredi soirs où on commandait de la pizza...

"Rien nous empêche de faire des gâteaux par après, hein." Ça me rappelle des souvenirs avec ma mère, quand on cuisinait des gâteaux pendant le temps des fêtes. J'étais tout petit, mais c'est des beaux souvenirs heureux. Puis, Poppy me demande de choisir : "Ça fait longtemps que je n'ai pas mangé de pizza regina!" Elle se lève pour aller chercher son portable qui est branché sur le chargeur. Je la suis du regard, c'est plus fort que moi. Au même moment où elle prend son téléphone, il lui glisse des mains et Poppy tente de le rattraper. Elle se penche et bien sûr, j'ai la vue sur sa poitrine. Je détourne le regard, gêné. J'espère qu'elle ne remarquera rien. Je me sens rougir. Comme un gamin de 15 ans... Merde...

Je ne suis décidément pas dégourdie, c'est quand même pas difficile d'attraper un téléphone sans le faire tomber. Ça doit être un de mes talents cachés... enfin mon super pouvoir c'est surtout que peu importe le nombre de chutes, mon portable ne s'est jamais cassé. Pas encore. Je me redresse et replace machinalement mon pull, au col un peu large qui a tendance à glisser un peu.

« Alors, va pour une regina ! »

J'appelle la pizzeria et passe la commande rapidement. Pendant la conversation, je regarde Austin et remarque que ses joues semblent rouges. Qu'est-ce qui lui arrive ? Est-ce qu'il fait trop chaud dans la pièce ? J'ai pas l'impression, surtout que la fenêtre était ouverte y a juste quelques minutes. Je raccroche après m'être entendue dire que le livreur arriverait dans moins de trente minutes, pose le téléphone sur le comptoir et me rapproche du canapé. Toujours derrière, je m'appuie sur le dossier pour me pencher un peu et voir le visage d'Austin.

« Ça va ? T'es tout rouge. »

Klonoa miaule, ce qui attire mon attention, et en baissant le regard je m'aperçois que mon pull a, encore, glissé, laissant sûrement voir ce qu'il y a dessous... et c'est-à-dire que je ne porte qu'un soutien-gorge en dessous. Mon esprit fait rapidement le lien et je me relève brusquement, rougissant à mon tour, les mains plaquées sur le col de mon pull pour le remonter.

« Merde, je suis désolée ! M'écrie-je. »

Je me retourne pour remettre en place mon pull. J'avais oublié que j'avais ce désagrément avec ça, c'est pour ça que je ne le porte plus qu'à la maison même si je le trouve très mignon. En soupirant, je m'appuie sur le dossier du canapé, toujours dos à Austin. J'imagine que c'est à cause de ça qu'il rougissait. Génial, j'espère que je vais pas passer pour une allumeuse...

Parler de nourriture me donnait très faim. Depuis que j'habite Edenton, je fais plus attention avec la nourriture. Comme c'est moi-même qui doit l'acheter/cuisiner, avec mon propre argent, je ne mange pas n'importe quoi. Avant, quand j'étais chez mes parents, ils m'achetaient tout ce que je voulais. Et ma mère cuisinait toujours. Maintenant, je dois faire attention. Ma vie n'est plus la même, elle a changé du tout au tout.

"Euh..." Poppy a remarqué que je devenais rouge, mais elle n'a pas réalisé tout de suite. Elle me demande ce qu'il y a, mais j'arrive pas à lui dire. Comment dire ça, de toute façon? Hm, je vois tes seins. Pourquoi je suis autant gêné? Ça peut paraître comme une réaction exagérée, surtout à mon âge, vous vous direz : il a déjà vu des seins dans sa vie!, mais la réponse est non. Poppy, c'est la première petite amie que j'ai eu, mais j'étais jeune, et les deux nous ne sommes pas arrivés à ce stade de notre relation. Poppy reste toujours penchée, elle ne doit certainement pas s'en rendre compte. Oui, pendant nos vacances, je l'ai vu en maillot, donc ce n'est pas la première fois que je "vois" ses seins, mais ça me gêne quand même. Puis, une ou deux secondes plus tard, elle réalise. Elle s'excuse, je sens qu'elle est aussi mal à l'aise que moi. Bon, alors, comme première soirée tous les deux, c'est un peu gâché... "Mais non c'est pas grave!" Je bégaie, comme un jeune ado timide. Je me trouve vraiment con, de réagir comme ça. Je ne veux pas qu'elle se sente mal, non pas du tout. Vite, je dois trouver un truc à dire, pour changer de sujet. Oh allez, réfléchis, Austin!

Le chaton miaule au même moment. Sauvé par le chat. "Klonoa c'est comme le jeu vidéo?" C'est con, mais c'est la seule chose qui me vient en tête. J'ai déjà joué quand j'étais plus petit avec mon frère. Quand nos parents nous laissaient du temps d'écran. C'était rare, mais on en profitait dès qu'on avait l'occasion.

Est-ce que je vais avoir l'air d'une idiote si j'avoue que je n'ai pas vraiment conscience de mon corps ? Honnêtement, depuis Austin, je n'ai pas eu de petit ami, ni même cherché à en avoir, donc je n'ai pas l'habitude de m'habiller de façon aguichante... pas même pour moi, parce que je préfère de loin les vêtements confortables et chauds. Alors, non, j'ai tendance à ne pas faire attention quand je porte des décolletés, comme si j'avais toujours le même corps que quand j'avais 10 ans ce qui... n'est pas le cas, évidemment.
Austin bégaie mais essaie de me rassurer. Pourquoi ce n'est pas aussi simple qu'avant ? A Hawaï j'ai passé la plupart de mon temps en maillot de bain, et ça ne posait pas de problème...

Il me parle finalement du nom du chaton. Je le regarde, un peu surprise qu'il connaisse. Ce n'est pas un jeu très connu malgré sa qualité. Je décide d'essayer d'oublier ma maladresse et ma gêne et enjambe le dossier pour reprendre ma place à côté d'Austin.

« Oui, comme le jeu. Le 2 était un de mes jeux préférés quand j'étais petite. Et puis tu me connais, je suis une geek, bien sûr que je devais donner un nom tiré d'un jeu à mon chat. »

J'esquisse un sourire mais détourne le regard rapidement. J'ai envie de blottir contre lui, mais après ce qui vient de se passer, je ne suis pas sûre qu'il veuille.

« Je ne savais pas que tu connaissais. T'aimes bien les jeux de plateformes ? »

Étonnamment, alors que les jeux vidéos sont un de mes sujets de conversation préféré, ça m'était vite sorti de la tête à Hawaï, et on en avait finalement pas tant parlé que ça, sauf pour le prévenir que j'étais une geek.

J'imagine que c'est normal, qu'en début de relation, ce soit un peu comme ça. Mais ça me dérange un peu et j'ai hâte que ce stade soit terminé. De ne pas rougir si je vois un peu sa poitrine. Comme si j'en avais jamais vu avant, alors oui c'est vrai, mais j'ai déjà regardé des vidéos, quand même. Toujours en cachette évidemment. Mais comme tout le monde, j'en écoute, et c'est normal. Si ça se trouve, Poppy aussi en regarde de son côté.

"Oui, je connais bien ce jeu! Je jouais avec mon frère." Poppy semble aussi soulagée que moi de changer de sujet. Elle me dit qu'effectivement, le nom qu'elle a donné à son chat est en honneur au jeu vidéo du même nom. Non, ça ne m'étonne pas de Poppy, qu'elle appelle son animal avec un nom de jeu. Comme elle est une vraie de vraie geek. Pour ma part, je dirais que j'aime bien les jeux vidéos, mais je ne me considère pas comme un grand geek. Elle me pose la question si j'aime bien les jeux de plateformes. "J'aime bien les jeux de plateformes, mais je t'avoue que j'en joue pas beaucoup. En ce moment, j'ai ma switch et je joue surtout à Zelda. J'ai eu ma passe d'animal-crossing bien sûr." Ce qui est bien avec la switch, c'est que je peux la trainer partout. Je l'ai déjà apporté au travail, mais j'ai eu peur de me la faire voler. Poppy vient me rejoindre sur le canapé. J'aimerais la coller, mais j'ai la trouille. Je veux que ça devienne naturel. Et avec ce qui vient de se passer, j'ai honte.

"Et toi? à quoi tu joues ces temps-ci?" C'est drôle. J'ai l'impression de la connaître alors que pas tant que ça. On est entrain de réapprendre à se connaître, de a à z. En deux ans, il s'en est passé des choses. J'ai des questions à lui poser, et c'est sans doute la même chose pour elle.

Je devais avoir 8 ans quand j'ai joué à un jeu vidéo pour la première fois. C'était pas vraiment le truc de ma mère mais j'avais des camarades de classe qui en parlaient et j'avais envie d'essayer, alors je lui ai simplement demandé de m'offrir une console. Les jeux de plateformes, à cet âge, c'est ce qui est le moins compliqué, surtout pour commencé. Il m'a fallu quelques années pour évoluer vers des rpg avec une véritable histoire et des enjeux. De quoi me tenir en haleine pendant des heures.
Austin m'explique qu'il jouait à Klonoa avec son frère, mais qu'il n'y joue pas beaucoup. J'ai mes périodes aussi. J'ai une affection particulière pour ces jeux, ça me rend un peu nostalgique, surtout les anciens, mais j'aime bien me plonger dans de vrais histoires maintenant. Et j'avoue qu'un bon Zelda, c'est toujours intéressant.

« En ce moment ? Hmm... je me refais Final Fantasy 8, sur la Switch aussi. En fait, j'ai refait le 10 il y a trois mois. »

Deux histoires d'amour tragique. Il m'arrive même de verser quelques larmes sur certaines scènes. La scène de fin du 10 m'achève à chaque fois même si je connais l'histoire et les dialogues par cœur.
Je regarde à nouveau Austin. La conversation a l'air de repartir normalement, ça me soulage un petit peu, et j'arrive à me calmer. Il faut quand même que je sois plus vigilante.

« Mais je joue moins qu'avant. Entre le boulot et les webcomics, j'ai un peu moins de temps. J'essaie de travailler tant que j'ai encore l'esprit clair. »

J'aurais aimé pouvoir rendre mes nuits blanches plus productives, mais il m'est impossible d'écrire ou de dessiner quand j'ai trop de sommeil en retard. D'ailleurs, aujourd'hui je serais bien incapable de rédiger le moindre texte, même si j'étais seule.
Et je suis prise d'un doute, est-ce que je lui ai parlé des comics que j'écris ou pas ? J'en parle peu en général, mais c'est sorti naturellement.